Une américaine à l’humeur voyageuse laisse libre cours à son imagination. Le résultat, une musique hybride évoluant tel un organisme vivant.


Bien placé dans plusieurs listes du meilleur de 2011, Whokill de Tune-Yards (écrire tUnE-yArDs) est effectivement un album assez surprenant et rafraîchissant. Américaine autodidacte et voyageuse, Merrill Garbus est un drôle d’oiseau. Elle aurait pu conserver son nom rigolo pour jouer ses morceaux tordus dans tous les sens. Elle a donc choisi tUnE-yArDs comme nom de scène … du son aux kilomètres ? Libre comme l’air miss Merrill, car sa musique ne tient pas en place. Ses chansons ont l’art de faire s’entrechoquer styles et influences, empilant maintes exubérances bariolées. Leurs titres sont internationaux, mots courts qui claquent comme des slogans. Leurs racines profondes sont à chercher entre le continent Africain et la planète Mars, pieds nus et esprit punk.

Whokill fait suite à Bird-Brains, distribué en 2009 par Marriage records – sous forme de cassette recyclée puis en vinyle – avant d’être finalement choppé par 4AD pour la version CD. Ce que l’on peut appeler du work in progress ! C’est aussi l’impression donnée par sa musique : un chantier en cours, une toile qui se remplit de couleurs, par jets placés.
Merrill Garbus tient un parc d’attractions : elle se présente et c’est parti pour un tour de piste ; manège, grande roue, labyrinthe, montagnes russes et peluches géantes. Ça clignote, ça secoue, ça va de bas en haut et de haut en bas. Et pourtant ça retombe toujours sur ses pattes, comme une mécanique organique parfaitement huilée.

Lignes droites et tordues s’entrecroisent, effet fanfare en transe. Comme sur “My Country” ou “Es-So”, pouvant autant coller mal au crâne que donner envie de danser comme l’ours Baloo. Et “Powa”, planante au dessus de la prairie ou léger ennui en attendant les nuages ? “Doorstep” s’en sort bien dans sa tentative de doo-wop mutant. Plus ferme, “Gangsta” dégaine ses cuivres dégringolant, rappelant les montages dynamiques de Moonshake, la fièvre moite en moins. Tout comme le dérapage à mi chemin de “Riotriot”, rythme inspiré monté en mayonnaise par trombones et consorts. La voix androgyne de Garbus est un râle joyeux et galvanisant, parfois agaçant lorsque poussé dans la braille, le tonitruant. À l’inverse, sur “Wooly Wooly Gang”, elle enchante en se montrant douce et nue. Mais la plus belle salve revient au final “Killa”, crème légère montée en trois minutes sur une basse sexy. Terrienne et dans l’espace, tUnE-yArDs tient là son bijou soulfull.

– Le site de tUnE-yArDs

– Le clip de « Bizness » :