La poupée de cire électro-gothique poursuit son sillon verglacé avec un troisième effort incandescent.


Un blizzard mélodique s’est abattu sur les bacs depuis quelques semaines, à la lettre « Z », d’ordinaire peu fréquentée. Et la responsable de ces perturbations n’est autre que la frêle Nika Roza Danilova, alias Zola Jesus. Sous cet énigmatique pseudonyme digne d’une provocation lycéenne, l’américaine, aux origines ukrainiennes, signe un troisième essai remarquable de maîtrise et d’intensité.

L’étudiante en français a quitté sa chambre sans radiateur de l’université du Wisconsin pour le soleil dangereux et aveuglant de Los Angeles. Sa musique y avait déjà une place de choix dans les play-lists des soirées « Bar Sinister » et « Perversion », en lisière de Hollywood Boulevard. Celles-là même où l’on peut croiser, le vendredi soir, les derniers « nihilistes » et autres membres du groupe Autobahn, tout droit sortis de The Big Lebowski.

Avec ce déménagement, Zola Jesus a gagné quelques degrés de température et donné une nouvelle envergure à sa production, placée sous le parrainage bienveillant de Spinoza (“Conatus”, comme « continuer à exister, aller de l’avant » selon ses dires). Elle a également remisé toutes les frusques noires dont elle se paraît jusque-là pour se mettre au blanc. Le voyage lui aura ainsi permis de digérer raisonnablement des influences allant de Throbbing Gristle à Diamanda Galás, en passant, évidemment, par la case Siouxsie Sioux.

Batteries martiales, beats hypnotiques, cordes emphatiques, boucles destructurées, samples inquiétants… La liste des convives à ces noces de glace est longue mais la maîtresse de cérémonie, dans sa robe diaphane, a savamment composé le plan de table, n’oubliant pas ceux qui se sont invités sans carton. Mi-Florence Welch (avec ses propres machines), mi-Fever Ray, la belle dispose du talent nécessaire pour concocter une noria de symphonies de poche, sous tension et directement venues des tréfonds.

Synthèse très personnelle et inclassable entre indus, classique et gothique, l’œuvre est abrasive, dense et aérienne, catalysée par une voix troublante capable de se démultiplier à l’infini. Les soliloques plaintifs aux titres souvent déroutants cèdent ainsi vite la place aux grandes envolées oniriques, marques de fabrique (ou séquelles…) d’une ancienne chanteuse d’opéra…

On n’échappe pas, ici et là, à quelques redites mais, dans l’ensemble, le charme vénéneux opère. Mauvaise nouvelle pour ceux qui, dans le Wisconsin de sa jeunesse, rêvaient à une rapide fonte des neiges…

En concert le 29 novembre à Paris (Divan du Monde)

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Vidéoclip de « Vessel » :