Impressionnante troisième salve pour la plus hirsute des formations rock montréalaises. L’attraction vedette de cet été.


D’après la biographie fantaisiste rédigée par le label Sub Pop, le nom de l’album Expo 86 fait référence à l’exposition universelle de Vancouver. Mais plus important, c’est aussi l’été où cinq cowboys âgés de dix ans scellent un pacte : « former un groupe de rock ». Sans savoir si l’histoire est du lard ou du cochon, il ne fait cependant aucun doute que les membres de Wolf Parade perpétuent depuis six ans cette vieille promesse, et plus encore, exaltent cette jeunesse turbulente qui semble toujours animer leur rock tendu.

Assaillis par les multiples projets parallèles de Dan Boeckner et Spencer Krug, avouons que l’effet de surprise procuré par le premier album de Wolf Parade, Apologies to the Queen Mary (2005), n’est plus vraiment de mise. Mais de toutes ces entités, la Parade du loup reste la plus mémorable du lot. Enregistré et mixé au studio Hotel2Tango de Montréal, sous l’aile du producteur d’Arcade Fire, Howard Bilerman (bien inscrit en gros sur le sticker), ce troisième opus du quatuor montréalais a tout de la démonstration de force en bonne et due forme. Les boulons ont été resserrés depuis At Mount Zoomer (2008), second album autoproduit et plus aventureux — ou progressif dirons-nous. A l’inverse sur Expo 86, Howard Bilerman disait être stupéfait de remarquer combien le groupe était « organisé » — du fait, notamment, des sessions d’enregistrement très courtes. Et c’est d’ailleurs bien la première chose qui frappe à l’écoute de ce troisième album à l’énergie collective canalisée. L’affaire n’est pas mince venant de musiciens indomptés tels que ceux de Wolf Parade. Pourtant, pas de changement radical à relever dans le son général, mais une concision dans l’écriture et une ferveur rock qui renoue donc avec leur chef-d’oeuvre Apologies to the Queen Mary.

Expo 86 repose sur onze déflagrations rock, terrain de mutations complexes et totalement débridées, où tentent de cohabiter deux genres antagonistes — guitares post-punk et claviers rétros, limite Texas Instrument. Un équilibre succin dont seul Wolf Parade détient la formule. Se distinguent d’emblée les rouleaux compresseurs “Little Golden Age” et “Palm Road”, couverts par Arlen Thompson, cogneur de fûts magistral et qui parait ne jamais décolérer (particulièrement spectaculaire sur le martial “Pobody’s Perfect”). Les compositions, foisonnantes, ne s’abandonnent guère au-delà des 5 minutes 30, mais ce laps de temps est largement suffisant pour provoquer des compulsions mélodiques explosives (l’inaugural “Cloud Shadow on the Mountain”). Quelques rares touches exotiques émergent de ce magma dissonant : des percussions dub piquées au Congos sur “Ghost Pressure”, ou des effets spéciaux d’apesanteur sur “In the Direction of the Moon”, même si très vite la pulsion binaire reprend ses droits. Car tout le secret de cette formation tient dans sa dépense d’énergie anxiogène.

Cette prise d’assaut fiévreuse, remportée à chaque piste, est toujours aussi bluffante à entendre. Bien sûr, le chant suffocant et exacerbé des deux insurgés, Dan Boeckner et Spencer Krug, y est pour beaucoup. Mais depuis le premier album, on avait oublié à quel point cette ferveur, délivrée dans ses moments les plus intenses, renvoyait à l’âge de l’innocence. Aussi extatique qu’une bataille de polochons.

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– A écouter « Little Golden Age » :