Cet immense musicien de l’ombre peine à convaincre avec un quatrième disque solo un brin timoré. Les néophytes en folk squelettique seront séduits, les amateurs de Giant Sand beaucoup moins.


Le CV et le carnet d’adresses de Thomas Belhom doivent être conservés dans un coffre fort enfoui au fin fond de l’Arizona, au pied du troisième cactus à droite. Non content d’avoir voyagé et creusé son sillon au sein d’Amor Belhom Duo, dans le même bus que la tribu Giant Sand, aux confins des années 90, cet insatiable baroudeur continue aujourd’hui d’épancher sa soif de musique aux côtés d’un des fleurons de la scène pop intelligente et internationale en la personne de l’immense Stuart A. Staples. Ce batteur intouchable et reconnu par ses pairs (à défaut de l’être par un public plutôt sourd) se lance à nouveau dans l’aventure solo avec No Border.

On serait en droit de s’attendre de la part d’un tel musicien, doté d’une expérience aussi riche, à un disque exceptionnel au minimum. Seulement, malgré des écoutes attentives et répétées, impossible d’échapper à l’ennui qui finit par poindre au fil des onze pièces qui constituent cet album. A quoi cela tient-il ? Aux mélodies, toutes en mode mineur et à peine exposées ? A la voix de Thomas Belhom, plutôt limitée et abîmée, bien que toujours idéalement placée ? Aux styles abordés qui lorgnent tous plus ou moins vers les mélopées déconstruites de Howe Gelb (qui produisit en son temps Amor Belhom Duo), sans son humour, quand elles ne rappellent pas les morceaux les plus expérimentaux (et pas toujours les plus réussis) des Tindersticks ? Aux interludes aussi inutiles que creux ? A une production globalement sans relief ?

Un peu à tout ça. En fait, tout adepte du Giant Sand ou tout accro à l’énorme Slush de OP8 restera ici sur sa faim tant nous avons l’impression d’écouter des maquettes de morceaux non retenus chantées par un roadie. A cela s’ajoute le fait que notre homme a la mauvaise idée d’inviter, sur un titre très puissant, son ami Stuart Staples dont la voix écrase littéralement tout le reste.

Bien sûr, tout n’est pas raté ici, bien au contraire. Les deux premiers titres sont par exemple de parfaites réussites dans la veine des ballades americana. «Sous Un Hélicoptère», aux couleurs crypto-électro-légère-et-à-guitares n’est pas non plus dépourvu d’intérêt, Jérôme Minière y retrouverait ses petits (mais y réécrirait totalement le texte). Et par-dessus tout, en plus d’être un batteur admirable, Thomas Belhom est loin d’être un manchot une guitare sèche dans les mains – pas d’ambiance feu de camp ou hommage à Shiva depuis mon Canada natal ici.

En fin de compte, No Border est loin d’être le chef-d’oeuvre attendu, mais n’en demeure pas moins un bon disque de folk décharné réservé aux amateurs du genre, à l’exception notable des fans d’Howe Gelb, ce qui constitue, convenons-en, une violente amputation à son public.

– Le site de Thomas Belhom