Mauvais timing. On aurait préféré un accueil plus chaleureux pour notre première chronique d’un album de Thee Oh Sees. Car ce sixième opus, aussi estimable soit-il, ne retranscrit pas fidèlement la folie du gang narco-psyché emmené par le décoiffant chanteur/guitariste John Dwyer. Ce dernier est une des figures de la scène garage de San Francisco, secteur où la concurrence est des plus stimulantes entre l’homme orchestre Ty Segall (fraîche recrue de Drag City) et Tim Cohen des Fresh & Onlys. Bien que difficilement apprivoisable pour les maisons de disque, Thee Oh Sees est la formation la plus consistante du lot – six albums, six Eps et autant de singles expédiés depuis 1994. Irréductible de la cause Lo-Fi, leurs pop songs insouciantes saupoudrées de guitare fuzz et de fréquences cosmiques pourraient, rayon extraterrestre, renvoyer Of Montreal très loin sur orbite. On ne saurait que trop recommander aux néophytes de se procurer en premier lieu les hautement combustibles The Master’s Bedroom… (2008, coproduit par David Sitek) et Help (2009), afin de savoir de quoi il en relève côté folie (il nous revient subitement les fesses de John Dwyer exhibées à la fenêtre de la Main-d’Oeuvre lors de son récent passage parisien…). Pour l’heure, Castlemania tranche par sa volonté d’explorer de nouveaux horizons mélodiques. Faisant montre d’un peu de répit dans le rock cataclysmique, ces seize morceaux introduisent des ambiances psychédéliques très anglaises (Beatles et The Creation, Syd Barrett versant folk), et même quelques couleurs tropicalistes façon Os Mutantes. Certains morceaux sont augmentés d’arrangements précieux (cordes, flûtes, cloches) lorsqu’il n’est pas question de l’ancêtre mellotron (le fraisier acidulé « The Horse Was Lost »). Malgré une solide poignée de titres accrocheurs (« Pleasure Blimps », « Stinking Cloud », ou encore le très « Spider Circle »), Castlemania se perd un peu dans les bizarreries soniques, faute de solides compositions. L’ouvrage est tout de même courageux et fait déjà bonne presse chez les fans mais n’est peut-être pas la meilleure porte d’entrée pour les néophytes. Très prolifique, le quatuor sans basse aurait de toute manière déjà tourné la page Castlemania et aurait déjà trois albums placés au marbre. Sans aucun doute, on tient là l’équivalent contemporain de Guided By Voices, appelé à être aussi légendaire.

NB : A noter trois reprises reléguées au bout du sillon verso.

« I Won’t Hurt You » (West Coast Pop Art Experimental Band)

« If I Stay Too Long » (Big Wheel)

« What Are We Craving » (Norma Tanega)

Thee Oh Sees – Pleasure Blimps :