Le gentleman Robert Scott poursuit depuis 25 ans son obsession d’une certaine perfection pop. Symphonique, enchanteur et délicat.


La formule consacrée de « secret le mieux gardé d’Ecosse » n’est pas galvaudée. Un quart de siècle que le pêcheur de perle David Scott mène sa barque, contre vents et marée. Fondateur et seul membre permanent de The Pearfishers (le nom est emprunté à l’opéra de Bizet), l’orfèvre David Scott poursuit depuis la fin des années 80 une ambitieuse quête musicale : perpétuer une pop distinguée qui entend renouer avec l’exigence mélodique d’un Brian Wilson sixties et la science des orchestrations baroques d’un Jimmy Webb. En somme, une pop de chambre fortement imprégnée par le soleil west coast, mais qui ne peut échapper à la mélancolie des highlands natales de son géniteur… D’où sa singularité musicale très attachante. Inexplicablement, ces années d’exigence et une discographie admirable, sont restées hélas inversement proportionnel à une reconnaissance publique en dehors des terres d’Ecosse.

Après sept ans de silence discographique, The Pearlfishers nous embarquent pour un nouveau voyage pop symphonique. Leur septième album pour l’estimé label Marina basée à Hambourg (on leur doit jadis l’exhumation du maudit Waterpistol de Shack), institution germanique dont les apparitions se font plus rares mais toujours soignées, dont dernièrement les disques du gentleman d’Athens Brent Cash. Durant ce long hiatus, le maestro n’a pas pour autant chômé : il a co-écrit avec la songwriter new yorkaise Amy Allison l’album Turn Like the World Does en 2012, et offert notamment ses services d’arrangeur pour d’autres fameux écossais : BMX Bandits, Isobel Campbell, Norman Blake ou encore le pianiste Bill Wells. Une liste qui en dit tout de même long sur la côte du monsieur.

Le successeur d’Up With The Larks (2007) s’intitule Open Up Your Colouring Book et contient pas moins de seize feux d’artifices de mélodies enchanteresses, produits et arrangées par les soins méticuleux de David Scott. Si tous les albums des Pearlfishers sont peu ou prou sculptés sur le même socle pop classique, chaque chanson est un véritable défi de composition et de production. A l’instar d’Eric Matthews, Joe Pernice, ou encore Sean O’Hagan des High Llamas, David Scott est un maniaque, son souci de perfection porté sur la variété des arrangements donne le vertige. En ouvrant ces carnets de coloriages (la magnifique chanson titre de l’album), on est instantanément emporté par ses gracieuses envolées de cordes – notamment l’impeccable single « To the Northland », émouvante lettre d’exile adressée depuis la Nouvelle-Zélande. Toujours sur les flots, « Gone in the Winter » vogue vers les rivages du Pacific Ocean Blue de Dennis Wilson. Cette magnificence symphonique est équitablement tempérée par quelques ballades au piano plus épurées (« A Peacock and a Cock ») ; un instrumental extravagant, « Attacked by Mountain Cat », clin d’Å“il aux partitions épiques et al dente du génie romain Enio Morricone, et un exercice plus britpop dans l’esprit – le vigoureux “You Can’t Escape The Way You Feel”. On note aussi deux collaborations transatlantiques : « Chasing All the Good Days Down » co-écrit encore une fois avec Amy Allison, ainsi que la ballade crève-coeur « I Don’t Want to Know About It » avec Erin Moran aka A Girl Called Eddy.

Toutes ces louanges sont à peine entachées par l’imposante durée du disque (67 minutes !). Forcément, après sept ans d’absence, David Scott avait des choses à dire. Mais il est vrai que ces seize compositions sont tellement riches qu’on redoute un peu l’indigestion de violons. Les appétits solides s’accrocheront, pour d’autres, on conseillera de ne pas tout prendre d’un coup, laisser reposer à mi-chemin et y revenir. Car se serait dommage de ne pas terminer une si délicieuse pièce-montée.