Rentrée fracassante pour ces prodiges américains adeptes d’un folk impulsif métronomique. De plus en plus intense.


L’année dernière, un duo folky séminal de San Francisco nous avait étourdi les sens avec un deuxième album, Visiter, plus qu’audacieux. De cette musique qui ne date pourtant pas d’hier, The Dodos en extirpait au forceps une matière revigorante. Binôme instrumental guitare/batterie de configuration presque anodine, ces drôles d’oiseaux parvenaient à rompre l’équilibre mélodique en donnant l’avantage aux batteries. Doté d’une télépathie confondante, Meric Long (guitare, chant) et Logan Kroeber (batterie, percussions) fusionnaient leurs instruments pour s’embarquer dans de saisissantes transes lo-fi rythmées tambour battant : arpèges de guitares amplifiées au bord du grésillement et toms martelés jusqu’à la lévitation débouchaient ainsi à d’étonnantes — détonantes ! — chansons impérissables — « Paint the Rust », « Jodi » ou encore “Joe’s Waltz”… Et ce serait peu dire que Visiter n’a cessé pour nous de l’être depuis plus d’un an.

Ce magnifique déséquilibre pulsatif acquis, il semblerait que sur ce troisième opus les mélodies aient bel et bien repris le dessus. A moins que The Dodos ne soient devenus de meilleurs compositeurs — les deux étant fortement plausibles. Entretemps, ils ont chamboulé leur line up : le duo est maintenant un trio avec l’arrivée d’un membre pour le moins inhabituel… Le vibraphoniste électrique Keaton Snyder s’avère un excellent choix car cet élément pas vraiment classique (surtout pour le format) étoffe leur son sans pour autant étouffer la dualité instrumentale guitare/batterie qui fait tout leur attrait (et ce vérifie dès le premier titre “Small Death”).

Sur le plan du changement, il va de soi qu’avec la production chirurgicale de Phil Ek (Shins, Modest Mouse), les virages mélodiques sont dessinés au scalpel. Ce qui se détache d’emblée : le chant haut perché du guitariste/chanteur a pris de l’assurance, et ses surprenantes inflexions britanniques — pour un redneck s’entend — évoquent l’eXT(C)atique Andy Partridge. Des titres comme le pétaradant “Longform” ou encore le single “Fables” (aux harmonies vocales renversantes !), ont ce grain de folie et cette intelligence harmonique qui les rapproche de la galaxie des jadis Dukes of Stratosphear. L’aisance technique évidente des musiciens n’est certainement pas en reste dans cette émulation collective. Penchons-nous sur ce titre d’une extraordinaire précision, “Two Medecines”, un morceau répétitif où tous les éléments guitare/batterie/chant s’agencent merveilleusement — on croirait entendre quinze guitares, alors qu’elles ne font qu’une. Et que dire de ce final monstrueux, “Time To Die”, vibrant d’émotion lorsque bascule son deuxième acte : le tempo ralenti, des arpèges se déroulent, place au frisson. Et c’est bien sûr là, dans cette configuration restreinte, que les possibilités paraissent sans limite pour The Dodos.

Ce penchant pop affirmé, l’animal se serait-il au demeurant domestiqué ? On dira que sur Time To Die, The Dodos continuent d’avancer sur le bon chemin tout en gagnant en fluidité. Le folk et le blues, composants originels de leur musique ne sont plus les seuls ingrédients de leur marmite. Il faut désormais compter sur une tension pop originale qui n’appartient qu’à eux.

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– En écoute : « Time to Die »