Chris Cohen ferme les rideaux avec Deerhoof et en rouvre d’autres avec The Curtains pour un quatrième album de pop déviante, traversée de lumière.


Pas le temps de dire hoof que Chris Cohen est déjà de retour (ouh la ! qu’elle était facile celle-là ! excusez-moa !). Mais cette fois, ce n’est plus au côté de ses camarades délurés de Deerhoof, mais The Curtains, son projet activé depuis 2000 et désormais priorité à temps plein. Selon les dires de ses vieux copains d’université, le départ du quatre-cordiste tout-terrain se serait déroulé en bons termes. Mais la curiosité, ce vilain défaut – mais toujours pas un péché – nous prend : une écoute du disque pourrait-elle nous permettre de saisir les motivations de cette séparation ? Surtout que leur précédente livraison, The Runners Four, laissait entendre musicalement un groupe plus soudé que jamais. Et dieu sait si leur rock déstructuré mérite une attention de tous les instants.

Epuisé par l’agenda serré du désormais trio de ouf (encore une, désolé), Chris Cohen aspirait à la quiétude. Cela s’entend sur Calamity. Mais avouons-le, cela s’entendait aussi sur le disque des Natural Dreamers et les trois opus précédent de The Curtains.
Au sein de The Curtains, Chris Cohen, seul aux commandes et aux manettes (il est également producteur), a pris l’habitude de s’adjoindre à chaque album de nouveaux compagnons de voyage : dernière permanencière, Nedelle Torrissi s’affiche aux choeurs et à la guitare, tandis que d’autres figures de sa nouvelle maison d’adoption, Asthmatick Kitty, viennent prêter main forte à l’ouvrage.

Le brouillon permanent des guitares noisy de Deerhoof est mis en sourdine au profit de sonorités pop plus colorées et caressantes. Multi-instrumentiste et chanteur, Chris Cohen est un mélodiste imprévisible, arrangeur de pop songs étranges et complexes. Les constructions prennent une tournure tellement déroutante que les chansons paraissent elles-mêmes se perdrent en chemin, comme lobotomisées… Et pourtant, paradoxalement, l’apparence de cette musique se veut accessible, voire charmante.

Si les progressions Math Rock sont similaires à Deerhoof, The Curtains use avec référence des standards de l’innocence pop 60’s tendance écolo, c’est-à-dire intelligemment recyclé. Une harmonie vocale siffle un doux air de garçons de la plage, tandis que d’autres plans de guitares sont parfois explicitement piqués à d’illustres garçons dans le vent pour se fondre ensuite dans un étrange contexte harmonieux (“Tornado Traveler’s Fear”, très Abbey Road). On y entend pêle-mêle des pop songs psychédéliques à la Syd Barrett (“Calamity”), un esprit noisy bricolo à la Guided By Voices (“Roscomare”), une folk song pastorale déglinguée (“spinning top”), ou encore une mignonne ballade au piano (“Old Scott rd”). “Green Water” pourrait sortir des sessions 66′ du cerveau carbonisé de Brian Wilson. Quelques riffs rock torsadés bien psyché viennent contrebalancer la voix veloutée de Cohen.

“Go Lucky”, le morceau le plus accrocheur du lot, est une pop song obsessionnelle, le genre de mélodie qui vous trotte dans la tête toute la journée sans avoir le moindre souvenir d’où elle provient – ce qui, fondamentalement, doit être le challenge musical relevé par The Curtains. « Don’t try to follow me now », chante Chris Cohen sur “Green Water”. Et pourtant Chris, on ne fait que ça, courir toujours après tes mélodies.

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