Maîtres incontestés du psychédélisme réverbéré, la formation australienne signe sur son 25e opus l’une de ses plus aventureuses odyssées space rock.


Encore et toujours plus loin. Le titre de ce 25e album (!) des prêcheurs australiens The Church, ne met pas en porte à faux sur les intentions et la qualité de l’ouvrage. Voilà près de 35 ans que la formation psyché rock emmenée par le mystique chanteur et bassiste Steve Kilbey continue d’avancer, avec une endurance et une inspiration défiant toute logique dans le milieu du rock – au regard de tant d’autres qui jettent l’éponge après quatre albums. Toutefois, on a bien cru la chapelle sacro-rock de Sydney était cette fois menacée, après la désaffection du guitariste historique Marty Willson-Piper, qui n’a daigné donner de signes de vie au moment de retourner en studios avec ces trois compères. Finalement, son absence ne dessert pas le disque qui se révèle être – heureuse surprise – un grand cru.

La nouvelle recrue Ian Haug (ex Powderfinger) a réussi le délicat challenge de s’intégrer à l’alchimie si particulière du quartet vététan. Et surtout, Peter Koppes, l’éternel second pilier à la six-cordes, est en forme étincelante, magicien des arpèges sonnant en carillon à travers la voie lactée (l’incroyable entrée en matière « Vanishing Man). On l’avait peut-être un peu oublié, mais The Church est un groupe où chaque musicien s’implique à part égale, tous les morceaux étant cosignés collectivement. Outre cette paire de guitaristes stratosphériques revigorée, Steve Kilbey, dont le talent de songwriter n’est plus à prouver, peut aussi compter sur le batteur Tim Powless, qui depuis une dizaine d’année assure également le rôle de producteur.

Avec Hologram of Baal en 1998, la formation australienne a trouvé un second souffle, et a signé depuis une série de disques toujours plus aventureux et sophistiqués (notamment le magistral After Everything Now This en 2002). Cinq années ont beau séparer Untitled #23 de Further/Deeper, ce nouvel effort s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur : un space rock moderne, façonné d’entrelacs de guitares et de mélodies spatiales et chimériques, mais dont l’épaisseur ne cesse manifestement de grandir. Il faudra du temps avant que l’auditeur ne perçoive toutes ses infimes nuances, mais on s’abandonne volontiers dans ce vertigineux dédale de nappes atmosphériques.

A la lisière du rock psychédélique et du progressif (sans être ô grand jamais virtuose et démonstratif), The Church a conservé ce grain de folie cosmique qui le rend tout bonnement à part, véhicule avant tout d’émotions portées par la voix sensuelle de Steve Kilbey (au sommet sur la superbe mélodie sinueuse de « Pride Before a Fall »). Du tempétueux « Globe Spinning » en passant par les lumineux et plus immédiats Laurel Canyon, « Miami » et « Old Coast Road », il y a sur Further/Deeper une bonne poignée de morceaux de la trempe des classiques de Starfish et Priest=Aura. En termes de plongée onirique, on ne trouve personnellement que peu d’équivalents capables de happer ainsi l’auditeur vers d’autres sphères pop en apesanteur, si ce n’est peut-être l’opale Disintegration de The Cure.

Faisant fi d’une discographie déjà bien remplie, Steve Kilbey et ses fidèles mériteraient d’entrer au panthéon du rock, ne serait-ce que pour leur refus d’abdiquer à la médiocrité.