Sous l’étiquette Jagjaguwar (Black Mountain, Okkervil River), une formation de Montréal produit une folk chimérique aux mélodies pop étincelantes. Une très belle découverte.


Ce n’est un secret pour personne ici, depuis que la comète Arcade Fire a fait son entrée fracassante dans la galaxie indie rock, la cote de la scène musicale Canadienne connaît une sérieuse inflation. En dépit des distances gigantesques qui séparent Montréal, Toronto et surtout Vancouver, cette scène reste incroyablement soudée et s’importe à travers le globe avec le succès que l’on sait. Au sein de cette communauté, l’émulation artistique semble s’entretenir via un trafic incessant de collaborations tous azimuts. Certaines formations se démultiplient entre elles comme du petit pain : on garde en tête les diverses plateformes soniques de Spencer Krug (Wolf Parade, Sunset Rubdown, Swan Lake) en passant par les collectifs pionniers du label Constellation, Molasses, ou encore les agents de liaison Broken Social Scene. Et ce n’est pas The Besnard Lakes, dernière petite merveille en provenance de Montréal, qui contredira la mouvance.

Le couple Jace Lasek et Olga Goreas, coeur des The Besnard Lakes, n’est pas totalement inconnu des RG de la cause rock canadienne. Outre un premier album sorti en 2004, Jace Lasek est un ingénieur du son dont le nom se retrouve sur les crédits des albums de Wolf Parade, Islands, Sunset Rubdown ou encore Stars. Autant dire que son carnet d’adresses vaut de l’or. Et dans une petite ville comme Montréal, The Besnard Lakes n’a qu’à traverser la rue et se pointer dans le pub situé juste en face du studio d’enregistrement pour trouver de la main d’oeuvre à très bon marché. Voyez un peu la pointeuse de présence des sessions studios : George Donoso III (The Dears), Chris Seligman (Stars), Sophie Trudeau (Godspeed/Silver Mt. Zion, Arcade Fire…) et Jonathan Cummins (Bionic/Doughboys) viennent compléter cette formation.

Si le premier essai de Besnard Lakes avait été enregistré uniquement par Jace Lasek et Olga Goreas, Are The Dark Horse jouit de moyens nettement plus conséquents grâce désormais à l’apport d’une vraie entité de groupe. Celle-ci compte en son sein Steve Raegele (guitare), Nicole Lizée (cordes) et Kevin Laing (batteur). De plus, les sessions d’enregistrement se sont déroulées au Breakglass Studio où Jace Lasek, cotenancier des lieux, connaît comme sa poche le moindre curseur de la console de mixage. Et cela s’entend sur cette pop/folk onirique bercée d’arrangements de cordes chevaleresques : les compositions sont imbibées d’une réverbe, tellement ample et surnaturelle, qu’elle régule nos pulsations émotionnelles.

Porté par cette production spatiale, “For Agent 13” atteint des hauteurs mélodiques olympiennes, non sans évoquer le Yes seventies, période Close The Edge. Amputé des démonstrations techniques ampoulées inhérentes au rock progessif, le chant de Jace Lasek devient frondeur, grimpe dans les aigus avec une aisance déconcertante et boulerversante. Avec le récent forfait des Decemberists, Yes reviendrait-il au goût du jour ? En tout cas, ils se sont rappropriés le filon avec ruse…
Les huit déclinaisons romantiques de Are The Dark Horse dépassent majoritairement la barre symbolique des cinq minutes, celle établie sur la base des préceptes sacrés de “Good Vibration”. Pourtant, en dépit de sa lente marche hypnotique, l’épique “On Bedford And Grand” rivalise d’intensité avec Wolfmother dans cette aptitude à développer des introductions grandioses et sans fin. Sur des titres comme “Devastations”, des solos électriques déferlent même de toute part, transperçant les harmonies vocales d’Olga Goreas pour former un magma de dissonance dantesque.

Cet étalon noir est décidément bien dur à dompter, mais fascine de bout en bout.

– Le site de The Besnard Lakes