Imaginez les harmonies célestes des Beach Boys flottant sur la reverb garage de Galaxie 500 et vous aurez une idée quelle constellation vise Shimmering Stars. La bonne étoile de cette rentrée.


Composer les plus bouleversantes pop songs qui soient requiert, chez tout génie qui se respecte, un certain grain de folie. L’histoire nous l’a prouvé à maintes reprises. Citons pour exemple quelques cas extrêmes de notoriété publique : Phil Spector, Brian Wilson, Daniel Johnston, Syd Barrett, Lee Mavers, Elliott Smith… Incidemment, sous l’écrin patiné de la « perfect pop song » se cache aussi bien souvent une tragédie. Nombreux sont ceux qui se sont brûlés les neurones à vouloir toucher du doigt l’harmonie divine. Une quête qui n’est, peut-être finalement, que le souvenir de l’enfance perdue. Oui, la nostalgie, ce virus secret qui gomme nos mauvais souvenirs pour ne garder que les heureux, pour le pire ou le meilleur. Ce qui précisément émerveille dans les harmonies d’un « God Only Knows » résultait d’une obsession aigüe, celle de Brian Wilson. Et d’un peu de magie aussi, avouons-le. Aussi nous suspectons Shimmering Stars, nouveaux prétendants au trône de la pop immaculée, de cultiver étroitement ce grain de folie.

Aux commandes de cette étoile chimérique, Rory McClure (guitare/voix), un jeune homme originaire de Vancouver qui a religieusement écouté dans sa chambre la collection de disques de son père (Everly Brothers, Spector, Beach Boys) avant de s’évertuer à les disséquer scrupuleusement dans sa cave au moyen de son enregistreur quatre-pistes. Même si désormais étoffées sur scène par Andrew Dergousoff (Drums, choeurs) et Brent Sasaki (Bass, choeurs), les chansons figurant sur ce premier album sont uniquement l’œuvre de ce prodige (maniaque ?) de l’harmonie parfaite. Et quelles harmonies !

Qui peut se targuer de chanter de nos jours ainsi ? On ne voit guère de monde autour, hormis My Morning Jacket et The Shins… Et encore, c’était déjà il y a quelques années. La musique de Shimmering Stars est d’un autre temps. Elle plante ces graines dans le terroir fumeux des sixties (la collection de vinyles cités plus haut), mais aussi dans la power pop 70’s. Ce club culte dont les membres d’honneur se prénomment Big Star (tiens, encore une étoile), The Flamin’ Groovies, The Nerves, Dwight Twilley (encore une autre)… Des groupes qui n’avaient pas George Martin à leur côté, mais contrebalançaient par leur profusion de trouvailles mélodiques. Cela tombe bien Violent Hearts fait preuve également d’énormément de ressources.

Sous son identité « garage », Shimmering Stars régente un son intemporel. Son idée fixe : convier la fratrie Wilson à chanter « Surfer Girl » sous les préceptes interstellaires de Galaxie 500 (le premier groupe de Dean Wareham, autre Petit Prince de la reverb). Tirant toute sa force de son économie de moyens, ce premier album réanime la pureté des vocaux sixties dans un écrin Nuggets’ moderne. Les guitares, racées, sonnent quant à elles comme des cathédrales – voilées d’un zest shoegazing mais pas trop – et se chargent de donner l’amplitude tragique aux envolés épiques – On notera également une séduisante facette mariachi sur « Dancing to Music I Hate”. Dès l’incroyable ascension d’arpèges dissonants de « Believe », superposés aux harmonies vocales cristallines de Rory McClure, l’équilibre succin des deux forces est construit dans les rêgles de l’art. Le reste de l’ouvrage impressionne : 14 chansons délivrées en un peu moins de trente minutes. « I’m Gonna Try » et « East Van Girls » sont déjà des classiques pour qui les a entendu. Et autant dire qu’il n’y a presque pas de déchets sur le reste de l’album.

Violent Hearts va incontestablement secouer les coeurs des afficionados de la cause pop suprême.

– Page Bandcamp du groupe

Shimmering Stars – « Nervous Breakdown »

Shimmering Stars – « I’m Gonna Try »