Quand un membre émérite de Field Music se lance en solo pour un premier effort, le résultat est à la hauteur de son ambition : aventureux et éclectique.


Le site de Field Music l’annonçait depuis plusieurs mois déjà : les membres, notamment les frères compositeurs Peter et David Brewis, ainsi que leur clavier Andrew sont occupés, pour un travail certes collectif – malgré les nombreuses rumeurs de séparation – mais aussi des projets personnels. Et c’est avec School of Language que David Brewis a visiblement occupé son temps récemment, afin de livrer ce premier essai sous une bannière toute neuve.

Des voyelles ânonnées, saccadées, qui se répondent en un squelette d’échos entêtants et monomaniaques : tel est le premier contact avec cette drôle d’école de langage, dont la visée dépasse largement la vocation pédagogique. La guitare se montre aussi agile que les choeurs sont austères, esquissant quelques notes incisives qui servent de repères mélodiques, bientôt parasités par le ronchonnement étouffé d’une batterie. Ces accroches accomplissant particulièrement bien leur tâche, ce “Rockist Part. 1” – premier volet d’une petite quadrilogie – se loge assez rapidement dans notre cerveau reptilien, aidé par la voix de David, qui n’hésite pas à monter dans les aigus ou à se farder de quelques choeurs chaleureux. Le deuxième volet montre un visage plus expérimental, centré sur l’architecture rythmique : les voyelles, décomposées, réverbérées, modulées à l’envi jouent la transition entre les deux titres en restant le leitmotiv principal, plus ou moins recouvert d’une section rythmique qui en impose ou d’un clavier voilé. Cette School of Language a visiblement pris des cours à l’université Battles ou à l’I.U.T. Animal Collective.

“Disappointment ’99” s’annonce moins docile, avec une guitare électrique à la colère à peine rentrée, tandis que la batterie semble toujours éructer à travers la friture d’une ligne téléphonique à l’agonie. En contrepied, la voix se montre plus malléable que jamais. Un break expérimental de cordes, batterie et tonnerres multiples donnera une note opéra rock à ce titre pour le moins chaotique. D’autres illustrations de ce son volontairement lo-fi ponctuent cet album, comme “Poor Boy”, avec une basse digne des Stooges, ou “This Is No Fun”, où le chant, cette fois poussif, se pose sur un quadrillage de guitares, rythmiques et choeurs solaires.

Le cerveau de David Brewis fourmille visiblement toujours autant d’idées de compositions, véritables poupées matriochka de la mélodie qui s’emboitent ou se défient. Pourtant, la cohabitation incertaine entre les instruments ronflants et les cassures rythmiques plus ou moins provoquées s’avère parfois pénible (“This Is No Fun”, “Extended Holiday”). C’est lorsque David a la main un peu moins lourde sur les effets de saturation et la grosse caisse que le résultat est le plus convaincant, comme sur “Marine Life”, petite opérette expérimentale (!) concentrée sur les volutes de sa voix aiguë. Quant à “Ships”, qui s’essaie à une – apparente – simplicité acoustique, mâtinée d’effets psychédéliques, c’est un bel exemple de progression alambiquée dont David a le secret.

Sea From Shore est un premier effort intéressant, qui confirme les qualités de songwriting tout autant que la démesure de son géniteur. Et l’impression rassurante que nous laisse le dernier volet de “Rockist Part 4” – semblable, mais non identique, au morceau d’ouverture – ne nous trompera pas longtemps : c’est bien une tempête sonore qui couve dans les 39 minutes de ce premier album.

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