Living Well est le troisième album en solo de Rob Crow, alias le leader de Pinback. Ou comment rajouter un bras de plus à ce Shiva de San Diego.


Monsieur Rob Crow a plus d’un tour dans son sac. Non content d’être à la tête de Pinback depuis 1999, il multiplie les projets parallèles et mène de front une carrière solo. Living Well fait ainsi suite à My Room is A Mess, sorti en 2003. Qu’on ne s’y méprenne pas, Pinback n’est pas pour autant dissous. Rob Crow est en effet un de ces rares exemples pour qui la carrière solo n’est pas cette expérience égocentrique, définitive qui met fin à la cohésion d’un groupe. A en juger sa discographie établie par un fan américain, la sortie récente de ce nouvel album n’entâche en rien sa polyvalence artistique, qui en fait un des artistes les plus actifs de San Diego. Tous les groupes auxquels il a, de près ou de loin, participé, sont recensés méthodiquement, avec une indication de son degré d’implication : soit une liste vertigineuse d’une vingtaine d’occurences !

Avec tout ça, Rob Crow conserve son allure bonhomme et son look d’éternel adolescent américain – casquette, pentacle et bermuda de skateur à l’appui, sur la pochette de Living Well – et semble «bien vivre» la situation. L’ouverture de cet album dévoile un son légèrement plus saturé qu’à l’accoutumée, fondé sur un riff de guitare et une rythmique à contre-temps. On se dit que Rob Crow va opter pour un rock plus frontal, dans la lignée de Sebadoh, ce que “I Hate You, Rob Crow” semble confirmer, empruntant au passage des réminiscences de la période grunge. Mais Rob Crow aime les contrastes de valeur : sur Living Well, sa musique oscille en effet entre la froideur de ses arpèges métallisés et la candeur de sa voix douce, légèrement voilée. Le Rob Crow cru 2007 a donc beaucoup de points communs avec son avatar principal, Pinback. Certains morceaux jouent même la confusion, au point de ressembler à des inédits du groupe. “Taste” convoque ses arpèges complexes et sa voix feutrée, tandis que “Over Your Heart” introduit un piano au gimmick grave.

Les compositions de Rob Crow restent relativement répétitives, comme s’il appliquait au rock le principe des boucles utilisées dans la musique électronique. Les ingrédients musicaux se superposent successivement à la manière d’un millefeuille, parfois légèrement indigeste (“Ring”). Mais le voile vaguement anxiogène ou ennuyeux de la répétition s’atténue immédiatement quand Rob Crow fait le détour hypnotique de “Liefeld” ou lorsqu’il introduit des instruments nouveaux à son panorama (banjo et harmonica sur “If Wade Would Call”). Et ce ne sont pas les babiements de son fiston qui le contrediront (“Leveling”).

Peu nombreux sont les artistes qui font rimer quantité – d’aucuns diraient éparpillement – et qualité. Pour ceux qui en doutaient encore, Rob Crow en fait définitivement partie.

– Le site de Temporary Residence LTD