« Tout était beau et rien ne blessait .» En 2011, loin du rêve sixties, la jeunesse désenchantée se réfugie dans un passé fantasmé.


« Tout était beau et rien ne blessait .» En 2011, loin du rêve sixties, la jeunesse désenchantée se réfugie dans un passé fantasmé. La musique du quatuor français Mina May est un exutoire schizophrène, le reflet cauchemardesque d’un monde où la frontière entre le merveilleux et la folie est étroite. Ce deuxième album défendu par l’enthousiasmant label Pacinist (nouveau venu au giron indé, accompagné des belles promesses Benjamin Fincher et Hannah) fait ainsi suite à l’ambitieux Skylarking EP paru l’année dernière et incontestable réussite, stratégiquement situé aux intersections entre le Pink Floyd post-Barrett de Meddle et le Radiohead post-Ok Computer (notamment sur l’incroyable pyrotechnie instrumentale « Scanner Darkly » avec son titre SF piqué à J.G Ballard). Œuvre mûrement réfléchie lors d’un périple d’un an au Canada, sa suite donc, Everything was beautiful and nothing hurt, se détourne sciemment des architectures complexes du rock progressif pour une écriture brute, acide et neurasthénique. Un temple sonique d’orgues électriques convoquant l’intemporalité mystérieuse du rock sixties californien, couplé aux thèmes rythmiques hypnotiques et aliénant du krautrock. Quant à la voix aigüe et nasale du chanteur Flashing Teeth (qui nous évoque parfois feu les Make Up), elle suscite autant d’urgence que de fragilité. À l’exception des arpèges rassurants de « Rising Sun », l’auditeur s’enfonce en terrain hostile, s’engage dans une poursuite cosmique infernale. Sur « Not Really No », la cérémonie chamanique est de toute beauté, comme si The Black Angels avaient troqué leurs guitares pour des claviers. Plus nerveux et pop, « Think Twice » pourrait bien être la réincarnation du Supergrass juvénile de « Richard III ». Il manque encore peut-être un ou deux titres supérieurs, capables de cristalliser leurs très grandes ambitions. Mais relativisons, l’ouvrage en impose déjà. Everything was beautiful and nothing hurt agresse, sonde les cauchemars, bouscule notre petit confort d’écoute. Le meilleur reste à venir.

– Mina May sur le Bandcamp du label Pacinist

MINA MAY – « Think Twice »

MINA MAY – Think Twice – Official Music Video from pacinist on Vimeo.