L’un des secrets les mieux gardés des Etats-Unis sort un nouvel album, une nouvelle merveille de slowcore/reggae/folk tendu. Comment est-ce possible ?


Micah Blue Smaldone, vous connaissez ? Auteur jusque-là de trois albums, dont deux merveilles (Hither & Tither et surtout The Red River), l’américain, Micah Smaldone de son vrai patronyme, fit ses dents chez un groupe punk d’obédience politique, les Pinkerton Thugs, avant de renoncer à l’électricité et se reconvertir dans la six-cordes pastorale. Folk épuré, blues sec comme un coup de trique et proche du primitivisme d’un John Fahey ou d’un Charlie Parr sur Hither… ou encore folk mélancolique, voire country, plus orchestré dans la veine d’un Bill Callahan sur The Red River. Avec The Ring of the Rise, Smaldone continue d’élargir son spectre de façon inédite tout en gardant ses racines folk/blues ainsi que sa sécheresse punk.

En intro, pour éviter de perdre l’auditeur, Smaldone nous gratifie d’un morceau country/folk électrique, carré, dans lequel rien ne déborde, somme toute classique ( l’ombre d’un Will Oldham de la grande période n’est pas loin) mais d’excellente facture. La surprise vient sur le morceau suivant, « Time », où le folksinger tente un mélange rarement voir jamais essayé jusque là : le country reggae/dub revu par Slint. Dit comme ça, cela semble improbable. Pourtant, à l’écoute, « Time » réunit tous ces éléments : un reggae aux airs indolents mais d’une grande tension sous-jacente qui, passé la surprise de la première écoute, s’avère très addictif. Plus loin, entre deux morceaux folk sublimes, Smaldone remet les couverts en greffant des éléments dub (basse + batterie) sur un « Dead Stop » folkeux relativement classique dans sa construction en première minute mais dont la suite l’est beaucoup moins quand vient s’insérer par dessus ce folk rock dubbesque un orgue à la ritournelle entêtante, élevant le morceau vers des cimes inédites.

Outre ces deux morceaux surprenants et franchement réussis, il y a sur The ring quelques merveilles folk slowcore d’une beauté sidérante. A commencer par le fascinant « Caroline ». Une guitare électrique, quelques reverbs, des arpèges magnifiques, une science de l’épure parfaitement maîtrisée et nous voilà partis pour six minutes et demi d’extase mélancolique avec broyage de tripes en sus. On pourrait également ajouter « Dog and Siren », rencontre au sommet entre Bill Callahan et Barzin. Enfin « Iris », simple, dépouillé, véritable mise à nu conclue de façon remarquable un album qui ne l’est pas moins.

En somme, avec The ring of the rise, Micah Blue Smaldone continue sa relecture de la musique folk américaine de façon absolument passionnante, la malaxant à sa sauce, maîtrisant si bien son sujet qu’il peut se permettre d’y ajouter des ingrédients inédits voir farfelus sans que cela ne nuise à l’équilibre de sa musique, bien au contraire. Disons que dans le paysage folk américain actuel seul Bill Callahan arrive à faire aussi passionnant et aussi riche que Smaldone. Ne reste plus qu’à espérer qu’il finisse par avoir la même notoriété voir succès. Ce qui ne semble pas gagné d’avance.