En préambule d’une tournée française certainement triomphale, retour en cette fin d’été sur le brillant bord de mer, aussi accessible que tortueux, fantasmé par le talentueux monsieur Mount.


Mater les clips de Metronomy permet d’appréhender l’évolution du groupe entre Nights Out (2009) et The English Riviera. La vidéo de “Radio Ladio” nous montre trois gars intégralement colorés en bleu-vert jouant sur des claviers en carton. Des nigauds aux gestes de robots mais aux cœurs tendres, de gentils zombies n’ayant d’yeux que pour une donzelle qu’ils tentent maladroitement d’approcher. Lorsqu’ils parviendront à s’en saisir, la belle s’avérera être une silhouette cartonnée. Parfait cauchemar de geeks.

Deux ans ont passé et le clip de “The Bay” vient couronner la mue sensuelle de Metronomy : les belles filles sont bien réelles – même si ce sont elles qui paraissent robotisées – le soleil brille, l’eau est claire, la voiture rutilante. Un autre rêve. Dans ce décor lisse et aseptisé, Joseph Mount fait le beau et le blasé ; comme pour nous montrer qu’il n’est pas dupe, qu’il s’amuse juste de ces clichés. Il faut dire que monsieur Mount est un total control freak : auteur, chanteur, compositeur, multi instrumentiste, arrangeur, producteur, directeur artistique. L’homme est passionné, doué et malin.
La plus belle illustration est “She Wants”, clip réalisé par les français Jul & Mat. Exposé comme un plan séquence empli de détails fascinants, où la rêveuse chemine et plane au travers de convives d’une fête en apesanteur. Eyes Wide Shut se concluant en théorie des dominos.

Musicalement aussi, Metronomy est passé du brouillon gesticulant à la ligne claire racée. Mais le lien entre les deux pourrait être ce malaise constant, la maladresse aujourd’hui si bien camouflée derrière le perfectionnisme de son créateur. “She Wants” est ce genre de morceaux qui s’insinue insidieusement dans votre esprit ; ligne de basse élastique, synthés obsédants et refrain d’abandon. La grande réussite de The English Riviera tient à sa capacité de rendre palpables certaines illusions. Ces nouveaux morceaux touchent juste, tant en mélodies qu’en arrangements décalés mais millimétrés.
Et au sein de cet agencement maniaque, là où les sons clinquants comme des chromes interviennent au moment opportun, Mount a glissé des grains de sable dans sa mécanique d’apparence parfaite. Chaque morceau est ainsi vrillé de l’intérieur, par un son souffrant ou un motif tordu (l’emballement noisy de “We Broke Free”, la comptine dance-floor détraquée “Corinne”).

Auparavant, Metronomy faisait de la musique de danse pour les gens ne sachant pas danser. Aujourd’hui, c’est de la musique de plage pour ceux qui ne savent pas nager. Stupéfaits, les Beach Boys passent une soirée cold wave. La basse est ronde mais inquiétante ; la guitare gracile mais maladive. Il y a partout des synthés qui tricotent des motifs insistants. Mount agence des formes géométriques qu’il arrive à arrondir et adoucir, un peu à l’image du soft rock américain des seventies. Steely Dan fut le maître S-M de cette musique facile d’aspect mais profondément sinueuse ; ou comment magnifier ses névroses.
Un autre talent de Mount est de lâcher la bride de ses morceaux, de les laisser s’échapper comme des ballons dans le ciel. Comme sur “The Look”, “Trouble”, “The Bay”, “Some Written” ou “She Wants”, des chansons qui finissent par se rendre ivres d’elles-mêmes. Romantisme adolescent et été sans fin.

L’évidence pop se marie au malaise doux-amer et, que l’on soit touché ou non par ces arabesques souples et raides à la fois, on ne peut qu’enregistrer la prouesse de The English Riviera : rendre de nouveaux excitantes les lubies des années 80.

– Site officiel Metronomy

Metronomy – « She Wants »

Metronomy – She Wants par metronomyUK