Retour en fanfare d’un des king size de la pop anglaise des années 90.


Martin Carr revient. Par la grande porte. Empli d’espoirs, d’ambitions, prêt à en découdre avec le monde de la pop. Petit rappel pour ceux qui auraient moins de quarante ans etpour qui ce nom ne dit rien : sachez que le sieur Carr fut le leader, dans les années 90, d’un des groupes pop les plus influents de la perfide Albion, The Boo Radleys. Quelques albums, six, quelques sommets (Everything’s alright forever, Wake up !), une fin en eau de boudin (le mal nommé King Size), un retour en solo sous un pseudo bateau (Brave Captain), une errance certaine puis, après 2006, silence radio. Et enfin, le retour cette année sous son véritable nom avec The Breaks et donc, l’envie d’en découdre.

Huit années !!!! Vous rendez-vous compte ??? Huit années. Pour ceux ayant connu Martin Carr auparavant, lui et sa boulimie musicale, huit années, c’est limite inimaginable. Vous me direz: ça lui a laissé le temps d’accumuler frustrations, envies, de potasser à nouveau le manuel de la pop des années 60 à nos jours, d’en assimiler les influences nouvelles, de faire le tri, bref préparer son retour dans les meilleures conditions. Pour cela il s’arme de dix chansons, d’excellents arrangements et d’une production aux petits oignons, donnant de l’ampleur, de la hauteur et une dynamique remarquable à son ambitieuse entreprise.

Alors, on arrête la chronique là et on conclue au chef-d’Å“uvre pop de l’année ? Curieusement non. Si l’album est dans son ensemble plutôt séduisant, il n’en reste pas moins frustrant. Car on y retrouve certains travers des Boo Radleys, le plus notable étant de vouloir mettre toutes les idées qui traversent le cerveau de Martin Carr dans un morceau de quatre minutes au risque de friser l’indigestion ( the santafe skyway, Barry White meets Moose meets Ed Wood meets…).
On y retrouve encore ce goût pour l’expérimentation, et comme disait Garcimore, des fois ça marche, des fois ça marche pas ( l’interminable fin de « Senseless Apprentice », les choeurs de mainstream, Martin Car n’ayant pas la finesse et l’humour d’un Lee Hazelwood).

Souvent, également, et c’est là que le bât blesse, The Breaks apparaît comme un catalogue de citations (Denim pour St Peter, Bowie/Bolan pour « Senseless apprentice », Damon Albarn un peu partout, The Auteurs, Papas Fritas ou, plus proche de nous Timber Timbre), une ode à la pop virant à la visite de musée, un disque dont on admire les motifs, l’agencement, mais qui nous tient à distance, d’où ne se dégagent finalement que peu d’émotions. C’est très beau, très bien fait, loin d’être désagréable, éminemment sympathique (un disque purement pop, à l’ancienne, sans quasiment aucun apport d’électro, de samples ou quoi que ce soit d’autre, ne peut que susciter notre sympathie.), ça en met plein les oreilles, ça semble briller de mille feux mais ça reste d’un lisse quelque peu déconcertant, sans aspérités, sans véritable accroche.

Mais, au final, prenons The Breaks pour ce qu’il est : une belle carte de visite, montrant l’étendue du talent (immense) de son créateur et nous invitant à nous rappeler que Martin Carr, après une traversé du désert de huit ans, est encore vivant, en forme et a des idées plein la besace. Un beau message d’espoir.