En provenance de Suède, un songwriter casanier nous murmure quelques confidences sous une lumière tamisée. Des folk songs lunaires, somnambules et des mélodies mises en orbite.


Au risque de remettre en question notre condition de scribouilleur rock, insistons sur le fait que la musique ne s’explique pas : elle est avant tout affaire de sensations personnelles éprouvées et de flux émotionnel à sens unique. Le reste n’est que digression. Emil Svanängen, le musicien bout-en-train qui se cache derrière Loney, Dear, est en ce sens l’incarnation vivante du cauchemar du journaliste. Pour avoir rencontré le cas, on peut vous assurer que le garçon n’est pas du genre bavard. Peu disert sur son art malgré une sincère volonté, ce jeune homme aux petits yeux timides et joues bien rondes ponctue généralement ses réponses de longs silences méditatifs avant de se satisfaire d’un oui aussi définitif que déroutant. Mais qu’importe, sa musique se charge de parler pour lui. Dans son élément, Loney, Dear a incontestablement des choses à dire.

Son nom est encore inconnu sur notre continent, pourtant certains l’ont déjà croisé furtivement chez ses compatriotes suédois I’m From Barcelona : Emanuel Lundgren lui cède le micro sur un morceau de l’album, l’entraînant “This boy”, un gage de confiance de la part du chef d’orchestre aliéné. A l’instar de la fanfare indie-rock, notre garçon solitaire est originaire de Jönköping. Il a déménagé voilà six ans de cette petite ville industrielle du sud pour rejoindre sa petite amie à la capitale, Stockholm. Entre quelques petits boulots alimentaires, il enregistre seul et avec les moyens du bord ses chansons, des folksongs à la déprime élégante. La récolte de spleen est si bonne que quatre albums pressés sous CD-Roms verront le jour sur son micro-label Dear John Recording, dont le siège administratif doit certainement se situer quelque part entre sa table de chevet et le coin bureau de sa chambre. Ce n’est que l’année dernière que la destinée du bonhomme s’accélère, lorsque Sub Pop tombe sous le charme de l’album Loney Noir et décide de le distribuer aux USA (ce sera EMI en France à l’automne). Sologne constitue sa quatrième livraison, la première à paraître hors de son pays natal.

Artisan autodidacte muni d’une six-cordes et d’une collection d’instruments guère plus bruyants, Loney, Dear fait partie de cette catégorie de musiciens qui s’épanouissent en autarcie. Profitant de l’absence d’une section rythmique partie pêcher ou attraper des papillons, le songwriter solitaire s’enferme à double tour pour travailler. Comme investi d’une quête substantielle, l’esprit pointilleux n’a alors de cesse de tenter de se rapprocher encore et toujours au plus près de cette alchimie intime (ultime ?) liant la voix et le frottement des doigts sur les cordes d’une guitare sèche. S’il n’avoue avoir jamais mis les pieds en Sologne – son choix s’étant plutôt porté sur la sonorité agréable du mot – son disque incarne idéalement ce sentiment de forêt musicale, de sérénité de façade qui, derrière l’écorce, grouille de vies et d’histoires. A l’exception de l’enjoué single “The city, the Airport » qui nous embarque direction (I’m from) Barcelona, l’humeur générale est plutôt à la sérénité sédentaire. Ces chansons prônent en vérité l’invitation au voyage intérieur par des progressions harmoniques fouillées, qui nous entrainent dans une dynamique circulaire obsédante. On se sent comme pris sous son aile, lavé à son contact de tous les péchés du monde.

Sur la pochette, une petite maison en bois éclairée, celle de ses grand-parents. Il fait nuit, l’intérieur ne se distingue pas, mais on peut sentir les bûches crépiter dans la cheminée. On a envie d’en rajouter une dans le feu. Il ne fait pas froid pourtant, mais juste pour voir encore une fois ces étincelles jaillir du songwriting de Loney, Dear.

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