Le collectif post-rock parisien nous parle de ses inspirations en piochant dans l’immense bibliothèque vidéo en ligne de YouTube.


Auteur d’un renversant mini-album The Bells EP qui en a sonné plus d’un, le collectif post-rock parisien nous parle de ses inspirations, en piochant dans l’immense bibliothèque vidéo en ligne de YouTube. Leur premier long-format est prévu pour cet automne.

1 – Sigur Ros – « Hoppipola »



Le succès de cette chanson ne doit pas nous faire perdre de vue sa beauté renversante. Comme Radiohead, Sigur Ròs est capable de composer des morceaux complexes qui ne se livrent que progressivement ou des chansons à la simplicité formelle et à l’évidence mélodique imparable. Nous admirons aussi beaucoup chez ce groupe leur intransigeance artistique et leur capacité à refuser, à repenser les codes du rock. Le clip de « Hoppipola » est, sur ce plan, significatif. L’utilisation quasi-exclusive de personnes âgées, le refus de toute sexualisation de l’image, de toute sublimation des physiques, le montage lent, le provincialisme voire la rusticité de l’univers dépeint, tout cela va, avec courage, intelligence et sensibilité, à l’encontre des usages d’une industrie plus préoccupée de son audience et de ses ventes que de la qualité de son message et de l’émotion délivrée par son contenu.


2 – Mogwai : Burning


Nous aimons beaucoup la musique de Mogwaï. Ce n’est pas notre groupe préféré (on préfère de loin This Will Destroy You, par exemple) mais leur attitude et leur longévité forcent le respect. Ce live, filmé par Vincent Moon et Nathanaël Le Scouarnec, dans un noir et blanc très contrasté, est un bon exemple de ce qu’une vidéo de live devrait être : une expérience sensorielle intense, radicale, où le traitement graphique des musiciens et des instruments amplifie l’émotion musicale. Le film de notre live récent au studio 105 de la Maison de Radio France, où nous étions accompagnés par seize musiciens classiques, sera dans la lignée de “Burning“.


3 – Zimmer / Boudreault – « The City Limits »



Soyons clair : Hans Zimmer n’est pas un très bon compositeur. Il produit habituellement une musique sans saveur qui habille les blockbusters hollywoodiens. De temps en temps néanmoins, avec son armée d’assistants, il écrit un bon thème.
Celui d’“Inception“ (repompé sur celui qu’il avait fait pour “The Thin Red Line“) est tout simplement magnifique. Le développement musical par amplification de la séquence harmonique est un procédé que nous utilisons beaucoup et que nous adorons.
Ce thème a été amplement pillé sur YouTube et mis à toutes les sauces. Le photographe Dominic Boudreault l’a utilisé pour une série de timelapses sur les villes et leur démesure. Le gonflement de la musique illustre alors l’excroissance industrielle et urbaine de notre civilisation. Son caractère mystique, incantatoire et implacable achève de conférer à l’ensemble une atmosphère prémonitoire et sombre.
La beauté des images, le caractère stupéfiant des séquences ne cherche cependant pas ici à séduire mais à montrer que derrière la séduction du progrès, de la technologie se dissimule un cauchemar désormais inévitable. Un parfait poème visuel et sonore qui questionne notre monde, ses choix et ses excès, thème au coeur de notre propre travail.


4 – Reich : Music for 18 Musicians



La musique de Steve Reich a été l’une de nos plus importantes influences. Elle offre un parfait mélange d’énergie et de beauté mélodique et harmonique, notre préoccupation principale quand nous démarrons un nouveau titre (avec des solutions, bien sûr, très différentes). Derrière son caractère hypnotique se cache cependant une machinerie d’une incroyable précision. Steve Reich a aussi le mérite d’avoir réinventé tous ses procédés d’écriture, d’avoir construit et enrichit à chaque nouvelle pièce un style unique, où chaque élément est personnel, où chaque emprunt est digéré et repensé de manière singulière. Comme Sigur Ròs, il affiche une liberté exemplaire.
La “Musique Pour 18 Musiciens“ est sans doute l’une de ses plus grandes réussites. En live, l’effet produit est incroyable.


5 – Glenn Gould – Bach : Variations Goldberg (version 1981)



Bach est comme un arbre, une source, vers lesquels on peut constamment se tourner. Sa musique résiste à tout, aux mauvais tempi comme aux mauvais musiciens. Elle est comme un flux d’énergie ininterrompu, d’une solidité et d’une pureté absolues. Avant la mode des musiciens baroques et leur doctrine musicologique, le pianiste canadien Glenn Gould, avec une liberté totale, a enregistré et filmé des versions parfaites de ses morceaux pour clavier, sans autre guide que la musique elle-même. Passées les 6 minutes de l’interview initiale (peu intéressante), il offre des Variations Goldberg avec une intensité stupéfiante, sans chercher à se mettre lui-même en valeur, entièrement concentré sur la musique. Une oeuvre parfaite servie par un musicien total. Un modèle.


6- Bravery in Battle : Stay Hungry Stay Foolish



Ce morceau est un hommage à Steve Jobs, le fondateur d’Apple. Sa mort en 2011 nous a frappés. Nous utilisons les Mac et les logiciels Apple depuis très longtemps en studio, en répétition, et sur scène. Ils font partie intégrante de notre manière de travailler. Nous voulions donc rendre hommage à son co-créateur car, sans lui, nous ne ferions probablement pas la même musique aujourd’hui. Mais nous voulions, pour cet hommage, utiliser sa propre voix, ses propres mots, être en prise direct avec sa personne.
Tout de suite après sa disparition, la vidéo de son discours de Stanford en 2005, où il évoquait sa maladie et parlait de la mort, a commencé à circuler partout sur le web. Ce discours nous a, nous aussi, touchés. Nous l’avons donc utilisé et traité à la manière de Steve Reich en notant et harmonisant les mélodies de sa voix parlée.
Nous avons, en quelque sorte, fait chanter Steve.

Ce requiem “de poche“ (à peine plus de 3mn) fut donc le premier morceau où nous n’avons pas chanté nous-même : nous avons laissé la place à Steve Jobs. Et cette démarche fut extrêmement féconde car elle nous a amené à repenser notre style, ce que nous voulions faire et où nous voulions aller. Là aussi, en somme, comme par l’apport de ses outils matériel et logiciel, Steve Jobs a été, indirectement, une influence importante.

Bravery in Battle, The Bells EP