Fausse naïveté contrôlée et envolées épiques : La Maison Tellier nous livre un cinquième opus comme un solide édifice en refuge du rock français.


Ils avaient certainement sorti avec « L’Exposition Universelle », l’une des plus belles chansons en langue française de l’année 2013. Le quintet de Rouen revient avec un nouvel album tout aussi ambitieux que son prédécesseur Beauté Pour Tous. L’on retrouvera dans Avalanche tout ce qui bâtit la nécessité de ce groupe atypique.

D’abord la naïveté salvatrice de certains propos : si le groupe peut parfois sembler maladroit dans la mise en mots de ses engagements, cette franchise et cette honnêteté parfois bancales respirent tout de même un vent de simplicité curative… Sans tortiller mais sans vraiment de véhémence, les textes ne passeront pas par quatre chemins pour rappeler un peu d’amour et de bon sens (« la joie du simple fait de vivre »), dans les chansons dédiées. Parce que l’on trouvera aussi du côté des textes de jolies tournures poétiques (« Tu dois vivre si bien que la mort tremble / à l’idée de venir te prendre ») ou des pointes d’humour assez efficaces (« Où Sont Les Hommes ? »). La Maison Tellier n’a pas de discours politique affiché que celui qu’ils veulent bien se donner, c’est donc naïvement dégagé que leur engagement prend place et forme. Et c’est tant mieux.

Si le groupe semble évoluer à contre-courant du monde qui l’entoure et observer les changements de celui-ci avec étonnement, inquiétude, en le questionnant, il en est de même de leur musique. La Maison Tellier est un groupe de rock et de chanson française, ni franchement pop ni vraiment rock, déroulant leurs compositions sur un axe country-folk à l’américaine, le tout ponctué d’une trompette pas même mariachi. Il faudra d’ailleurs saluer les arrangements de cuivres toujours à propos qui égayent le disque (« Haut, Bas, Fragile »). Cette couleur musical confère donc aux cinq cowboys pas même Dalton une place singulière dans le paysage musical français. Et si le timbre de Yannick Marais alias Helmut Tellier rappelle celui d’un Cantat jeune et plus fragile, on retrouve également beaucoup d’intonations du père Manset dans ses incantations («L’argent n’était plus un problème / Je payais pour qu’on m’aime »), nouvelle pierre originale de l’édifice.

Le propos sous-tendra en permanence la fragilité d’un monde protégé et serein face à l’incontrôlable déferlement médiatique ou politique ou mondial des choses… la chance de vivre en paix dans l’apparence et les questions inhérentes et noires que soulèvent l’idée même d’être au monde : le rêve d’avalanche, de la reprise en main des choses de la nature pour secouer la morosité ambiante. Et l’album d’alterner les moments contemplatifs (« En Toutes Choses », « Quelqu’un D’Autre ») et les chansons plus épiques et enlevées (« J’ai Rêvé D’Avalanches », « Beautiful Again ») sans temps vraiment mort.

Avalanche se construit donc autour des ingrédients qui font la « sauce » Tellier, leur particularité, autour de quatre ou cinq chansons majeures qui tiennent une fois de plus l’édifice fièrement debout : « Cinq Est Le Numéro Parfait » (hommage à leur cinquième album et au quintet qui les compose), « J’Ai Rêvé D’Avalanches » à l’évidente efficacité, « Haut, Bas, Fragile » qui ne sait pas comment commencer avant de se résoudre dans l’émotion, le magnifique « Garçon Manqué » (un sommet) et la guitare débridée qui clôture le disque avec « Taros ». Pourvu que ça dure.