Les bretons de Santa Cruz nous ont récemment fait vibrer avec leur délicieux second album After Supper, une subtile recette d’Americana et de pop sophistiquée. Un disque qui fait l’unanimité à la pinkushion team, malheureusement un peu trop passé inaperçu à notre goût. L’une des deux voix du groupe, Pierre-Vital Gérard, a accepté de répondre à nos questions par mail.


Pinkushion : Quel est le point de départ de ce nouvel album ? Qu’elles étaient vos intentions par rapport au précédent ?

Pierre-Vital Gérard : Le point de départ était l’envie de faire apparaître d’autres facettes du groupe, d’arroser un peu la sécheresse du premier album avec des arrangements plus riches et divers, d’où le piano, le banjo, la pedal-steel, les cordes. On voulait aussi sortir du cliché qu’on nous avait collé dessus, à savoir groupe de cowboys, musique du far-west !

Ce disque est beaucoup plus arrangé que le précédent, avec une réelle cohérence formelle d’un bout à l’autre. Qu’elle a été votre démarche, aviez-vous d’emblée une vue d’ensemble de ce que vous vouliez ou les choses
se sont construites au fil des morceaux ?

En général, on commence par discuter beaucoup. On parle des envies qu’on peut avoir musicalement (par exemple Thomas voulait utiliser le piano, ce qu’il n’avait pas fait sur le 1er album), des derniers albums ou films qui nous ont marqués, et tout ça dessine les contours de l’album. Mais plus précisément, pour chaque morceau, le groupe les découvre en studio. Bruno ou moi présentons la chanson aux autres, et on se met ensuite à réfléchir à la meilleure façon de la mettre en valeur, à trier les arrangements, à faire des choix d’interprétation, et au bout de quelques heures, on commence la prise de son. De sorte que l’album prend corps au jour le jour, et que la cohérence apparaît seulement au bout de quelques jours, puisque ce sont des morceaux qui ne sont pas répétés au préalable, et on ne sait pas vraiment où on va en entrant en studio.

A quel moment de l’écriture décidez-vous du choix des voix ? des invités ?

Pour l’instant, je chante sur les titres que j’ai écrits, et Bruno sur les siens. J’avais même écrit « The Abel and the Cain » pour que Bruno le chante, mais au final c’est tout de même moi qui ai fini par le chanter!
Après il y a pas mal de doubles voix et de choeurs. J’adore doubler la voix de Bruno par exemple, on l’avait beaucoup fait sur le 1er album, un peu moins sur celui-ci. Mais être deux chanteurs dans le groupe, c’est quelque chose qui fait vraiment partie de l’identité de Santa Cruz. C’est en partie ce qui a fait la singularité du groupe au départ.
Quant aux invités, ce sont les morceaux qui décident. Il nous a semblé évident d’inviter Laetitia Sheriff sur « after supper » et Isa Valenti sur « Where were you » parce que ces chansons collaient bien avec leur univers et on savait qu’elles pouvaient apporter quelque chose en plus. Sur « Flowers for my friends », j’avais envie de choeurs à plusieurs voix à la Beach Boys, et j’ai forcément pensé aux Bikini Machine parce que j’avais monté un groupe de reprises acoustiques avec eux qui s’appelait les Magic Surfers, dans lequel on avait bossé pas mal de titres des beach boys et des beatles.

Qu’elle est la part accordée à la spontanéité, enregistrez-vous de façon live ? Les morceaux sont-ils beaucoup retravaillés ?

Cette fois ci, il y a eu du live et aussi pas mal d’arrangements fait après coup ( les cordes, les parties vocales, les prises de pedal-steel, et tous les différents sons électroniques qui apparaissent de temps en temps).

La palette instrumentale s’est diversifiée en textures sonores, est-ce un aspect que vous souhaitez encore développer ?

C’est quelque chose qui nous intéresse particulièrement. Le choix des sons conditionne beaucoup les ambiances des chansons et au final l’univers du groupe. Le fait aussi que Vassilli (banjo, pedal-steel) ait rejoint le groupe a également été très important dans la richesse des textures que l’on trouve sur l’album. Et puis il y a aussi Yves-André qui a amené les arrangements de cordes et les boucles électros sur certains titres.

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Les changements de styles (rock, country, psyché) sont aussi plus nets, est-ce une manière de fuir les étiquettes ?

Ce qui nous guide surtout, c’est le plaisir de rechercher en studio quelque chose qui va nous surprendre, de casser les habitudes de compositions ou d’arrangements que l’on peut avoir. On recherche l’excitation que l’on trouve quand on prend un chemin sans savoir où il conduit. C’est ce qui s’est passé assez souvent sur cet album. Le bon exemple c’est « Falling at least » qui est une chanson assez classique à la base et qui est devenue ce titre de 8 minutes, qui part d’un quasi murmure pour finir dans une sorte de furie hypnotique. On est assez fier de ce morceau et le jouer sur scène est un grand moment pour nous.

On ressent avec « After Supper » une plus grande envie de faire « parler » les instruments, la possibilité de plusieurs morceaux purement instrumentaux est-elle envisageable ?

Il y a effectivement beaucoup plus de place laissée aux instruments par rapport au 1er album, il est plus aérien dans les ambiances, et les mots avaient sûrement moins leur place. Il y a d’ailleurs un morceau instrumental sur l’album, « Sad Ugly Boy part 2 ». Il y a une voix mais qui est utilisée vraiment comme un instrument et qui ne dit qu’une phrase. Je pense donc qu’on peut classer ce morceau dans la section « instrumental ». D’ailleurs dans le groupe, c’est comme ça qu’on l’appelle.

Quelles sont vous sources d’inspirations quant aux textes ? Y a-t-il une volonté de se démarquer du naturalisme et du nombrilisme français au profit d’un ton plus poétique ?

Nous écrivons en anglais et nous ne considérons pas que c’est une excuse pour être moins exigeant que si nous écrivions en français. Il y a donc des textes assez littéraires et précis au niveau du vocabulaire, inspirés par la nature, quelque chose d’assez comtemplatif. On aime beaucoup par exemple Cormac Mc carthy ou Raymond Carver. Et il y a aussi des choses moins littéraires, et davantage inspirées par les ambiances ou les sonorités que par le sens. Etant deux auteurs dans le groupe, il y a forcément des choses assez différentes. Mais nous n’avons pas la volonté de nous démarquer d’auteurs qui écrivent en français. Il y a des textes magnifiques dans le rock français. Je pense à Bashung ou Dominique A, qui ne sont ni nombrilistes, ni naturalistes. J’ai également adoré l’album de JP Nataf. Mais effectivement, on est moins intéressé par ce qu’on appelle la chanson française comme Delerm, Cheral ou Benabar, mais ce sont tout de même des gens qui savent écrire même si, à mon avis, ils ne touchent que la surface des choses.

Avez-vous conscience de vous inscrire à l’intérieur d’un genre (l’americana au sens large) peu investi en France ? Pourriez-vous jouer une
autre musique ?

Je pense que notre dernier album est à la frontière de ce qu’on appelle l’americana et qu’on pourrait aussi le classer dans le rayon pop ou rock. Alors oui nous pourrions jouer une autre musique puisque nous l’a jouons déjà !

Quels sont les groupes ou artistes en France dont vous vous sentez le plus proches ?

Il y a plein de groupes intéressants en France. Je ne vais en citer que quelques uns, ceux auxquels je pense spontanément : Air, Cyann & Ben, Bashung, Dominique A, Sebastien Shuller. Mais ceux desquels on se sent le plus proches sont Red, Thomas Belhom et Laetitia Sheriff, ce sont également des gens avec qui on a déjà enregistré des titres.

Question rituelle : Vos 5 disques préférés ?

Je ne peux que répondre à titre personnel, tu obtiendrais des listes complètement différentes selon chaque membre du groupe.

· Pet sounds, Beach Boys

· Rock Bottom, Robert Wyatt

· Harvest, Neil Young

· There is no one…, The Palace Brothers

· Ok Computer, Radiohead

-Lire notre chronique d’ After Supper

-Le site officiel de Santa Cruz