Troisième opus de l’orfèvre folk suédois à l’épure suprême. Captivant comme au premier jour.


Tout au long de sa carrière, Jose Gonzalez a habilement réussi à maintenir un parfait équilibre artistique. D’un côté, il y a le chanteur/guitariste minimaliste révélé en 2004 avec la fameuse reprise du morceau « Heartbeats » de ses compatriotes electro-pop The Knife. De l’autre, le trio Junip lui offre un formidable terrain d’émancipation, mis en exergue sur deux passionnants albums (le dernier, In our Nature, remonte à 2013). Si bien que le musicien scandinave de sang argentin ne semblait pas pressé de retourner à ces premiers amours en solitaire. Vestiges & Claws est de fait son premier album solo depuis In Our Nature, paru voilà huit ans.

En dépit de cette longue parenthèse, ce troisième opus ne rompt pas le fil harmonieux initié avec ses deux prédécesseurs. On ne saurait tout d’abord trop remercier le musicien de ne pas céder aux tendances ni à la facilité d’une aide extérieure, en préférant continuer à produire ses albums par lui-même. Après-tout, qui mieux que lui peut prétendre être le garant de ce son épuré si distinctif qu’il façonne depuis Veneer ? Persévérant dans la méthode qui a fait son succès, Vestiges & Claws a été enregistré pour l’essentiel dans la maison du musicien à Göteborg ainsi que les studios Svenska Grammofonstudion.

Finalement, le seul grand changement opéré par Jose Gonzalez sur Vestige & Claws, est d’avoir installé le home-studio dans la cuisine plutôt que dans la chambre à coucher… Plaisanterie à part, on aime revenir dans cette chaleureuse maison familiale, et de constater rassuré, que les meubles sont bien restés en harmonie à leur place, avec leur caractère authentique. L’émotion d’entendre à nouveau cette mise à nue du six-cordistes au timbre timide et à la pointe d’accent latino, caressant ses arpèges à l’architecture envoutante, tour à tour percussives et mélodiques – la vibration des cordes nylons sur le blues/folk « Stories We Build, Stories We Tell », la pop/folk salvatrice de « Leaf Off / The Cave ». Cette signature qui n’appartient qu’à lui à l’écoute de ses dix petites madeleines pop/folk, ce son âpre et dépouillé, alliance heureuse de folk/rock américaine, de blues afro du désert et de la grâce d’un Joao Gilberto du début des années 70.

Sur la superbe ouverture « With the Ink of a Ghost », on est transporté par ce même frisson qui nous avait traversés à la première écoute de « Crosses », douze ans en arrière. Une écriture débordant de trouvailles et d’arrangements aussi audacieux que discrets, où les limites imposées par l’exercice ouvrent paradoxalement de nouvelles portes : quelques subtiles notes de flute égrenées sur « The Forest », ou encore le tribal et atmosphérique, « What Will » qui a inspiré le titre de l’album. Il y a largement de quoi tenir en haleine tout au long de ces dix titres. Ah oui, on oubliait, il y a tout de même un petit changement : aucune reprise ne figure cette fois sur l’album. Mais ce n’est qu’un détail.