Avec son treizième opus, l’anglais James Blackshaw opère une petite révolution dans son American Primitivism en proposant un album doux, apaisé et (en)chanté.


Et si, pour cette chronique, nous prenions quelques nouvelles d’un genre un peu délaissé et recelant néanmoins un nombre de pépites important ? Non ? Et pourquoi pas ? La guitare American Primitivism, puisque c’est de lui dont il s’agit, innerve cette année moults disques intéressants (le prochain Ryley Walker entre autre) et semble revenir sur le devant de la scène avec deux albums oscillant entre le très beau et le magnifique. C’est tout d’abord l’américain Sir Richard Bishop, qui a dégaîné le premier avec un magnifique Tangier Sessions sorti le 17 février dernier. Puis c’est au tour du plus américain des folkeux anglais, James Blackshaw, de sortir avec Summoning Suns, un des disques les plus charmants de ce printemps musical.

James Blackshaw, auteur d’une petite dizaine d’albums depuis 2003, en profite avec son 13e opus pour opérer par la même occasion une mini révolution. Pour ceux connaissant sa discographie plutôt imposante, le six-cordistes virtuose a toujours oscillé entre l’anthracite et le pastel, la fascination ( O true Believer) et l’ennui (All Is falling), l’expérimental et la mélodie. Ses derniers efforts le voyaient abandonner la guitare au profit du piano pour un résultat guère convaincant. C’est donc avec une certaine lucidité que le guitariste retourne à ses premières amours. La transition se fait en douceur sur un instrumental quelque peu solennel, rappelant par moment Michael Nyman ou encore Max Richter, concluant la phase piano pour introduire celle, plus apaisée et radieuse, de Summoning Suns. La suite voit donc le retour des guitares et surtout, pour la première fois, l’arrivée d’une pop pastorale, printanière, parfois mélancolique, chantée par Blackshaw, Annie Nilsson, et Kaoru Noda.

Exit les références à John Fahey, Robbie Basho ou autres Jack Rose, élargissons le spectre musical et souhaitons la bienvenue à la mélancolie d’Elliott Smith (« Nothing Ever After »), à la pop savante, douce et orchestrale de Jim O’Rourke, aux arrangements boisés et simples, voire presque alt-country (l’étonnant Towa No Yume), évoquant les grands albums pop des sixties (John & Beverley Martyn) et surtout à la douce et apaisante voix polyglotte de Blackshaw. Pendant cinq morceaux c’est avec la fleur entre les dents, pieds nus dans l’herbe douce, sous un soleil radieux qu’on parcourt les paysages verdoyants et apaisants de Summoning Suns, en se disant qu’il ait été dommage d’attendre aussi longtemps pour avoir un disque de cette trempe de la part de James Blackshaw.

Pour le dernier morceau en revanche, le temps s’assombrit légèrement, l’atmosphère se rafraîchit sensiblement, le naturel revient au triple galop avec un superbe instrumental conservant l’esprit pop/folk de l’album, association parfaite de mélancolie et technicité prouvant que Blackshaw a, en matière de primitivism, encore beaucoup de choses à exprimer.

Après écoutes de Summoning Suns, la question qu’on peut légitimement se poser maintenant est la suivante : serait-ce une refonte et reconstruction complète de l’univers de James Blackshaw ou bien une parenthèse enchantée dans une discographie alternant l’excellence et l’insignifiance ? Pour la version optimiste, il suffit de jeter une oreille sur la version japonaise de Summoning Suns avec en supplément deux instrumentaux apaisés et magnifiques (« Holly » et « Boo, Forever »). Pour la pessimiste, on attendra le prochain album pour se prononcer.