L’overjoyed version Jad Fair vaut-elle celle de Stevie Wonder ??? Un suspens insoutenable que votre chroniqueur se propose de résoudre.


On commencera par une mise au point superflue mais néanmoins indispensable : non, votre chroniqueur ne s’est pas enfilé trois kilos de guimauve et ne fera donc pas une analyse profonde et bien sentie de Overjoyed, morceau issu de l’album In Square Circle de Stevie Wonder au fait de sa gloire guimauvaisque, à savoir les années 80. En revanche, il se pourrait qu’il ait jeté une oreille, voire peut-être plus, sur le Overjoyed d‘Half-japanese sorti fraîchement ce mois-ci.

Évacuons d’emblée poncifs et lieux communs pour mieux se vautrer dedans : Jad Fair et son frangin…blablabla…Half Japanese…blablabla…40 ans d’existence…blablabla….14 albums, quelques sommets…blablabla…pas de nouvelles depuis 2001…blablabla…nouvel album tout juste sorti chez Joyful Noise Records ce mois-ci. Point. Et alors ? Rarement album n’aura aussi bien porté son nom. Overjoyed. Figure de la scène alternative US des années 80 Jad Fair revient, amoureux, heureux de repartir avec son groupe et tient à le faire savoir. Chez n’importe qui, chanter l’amour, le bonheur, c’est chiantissime. L’étalage de bons sentiments, de guimauve, de chantilly donne vite la nausée. Curieusement, chez Jad Fair, ça ne change rien car en treize ans, l’homme n’a pas changé. Il reste toujours aussi fou, même si cette folie semble être devenue plus douce avec le temps, il chante toujours aussi faux, essaie toujours de torcher ses pop songs en mode punk, en moins de trois minutes chrono et en partant dans tous les sens.

Sauf qu’Overjoyed est probablement ce qu’a fait de plus accessible Half Japanese. Et ce grâce au travail John Dieterich, membre de Deerhoof, qui parvient à capter l’essence de Jad Fair, sans la dénaturer, arrondissant les angles pour rendre le groupe présentable. Bon, ok, il y a des choses immuables qui ne changeront jamais : le timbre si particulier de Jad Fair, croisement entre Dylan et Daniel Johnston, l’abandon définitif d’un accordeur de guitare, ou du concept harmonies délicates dans une pop song (quoique…) mais Overjoyed regorge de pop songs débraillées ( l’étonnant « Brave Enough », de punk rock acnéico-mélodique, d’expérimentation punk façon B52 monosyllabiques avec crachats dans le micro inclus « Do it nation ») et même de ballades (les superbes « Time is Now » qui n’aurait pas renié un Lou Barlow, le mélancolique et délicat « Tiger Eyes »). Bref, c’est un peu l’album de slacker qu’on attend d’un Stephen Malkmus depuis la séparation de Pavement, ou alors de Beck depuis O-delay.

Mais au-delà de la joie de retrouver Jad Fair en forme olympienne, Overjoyed, est aussi un album d’une fraîcheur étonnante, d’une immaturité réjouissante, le disque d’un gars qui refuse de grandir, compteurs bloqués à 17 ans. Punk un jour, punk toujours. Chez certains ce genre de sentiment nous fait éprouver de la pitié (regards vers R.EM, Grinderman) chez Fair c’est juste remarquable. Parce qu’ici on a l’impression que la folie a préservé son talent et l’empêche finalement de vieillir. Et parce qu’à l’écoute de ces douze titres, on se rend compte que Fair fait son disque non pas pour avoir une reconnaissance, pour flatter son ego, ou quelque autre futilité mais juste parce que la musique est pour lui un besoin absolument vital et qu’il n’a pas trouvé d’autres moyens de pouvoir s’exprimer. En plus d’être réjouissant, c’est également touchant car désarmant de sincérité.

Quand on y pense, treize années ont passé entre deux albums, mais on se rend compte à l’écoute d’Overjoyed, que si Jad Fair n’avait pas besoin de nous, nous, en revanche, avons sacrément besoin de sa folie douce. Reste à espérer qu’il ne mette pas treize autres années à donner de ses nouvelles.