Revenu de sa folk hirsute en solitaire, H-Burns signe en bonne compagnie un troisième album d’americana électrique vagabonde. On n’en revient pas non plus.


Pour semer ses graines sauvages, Renaud Brutlein — alias H-Burns — piochait jusqu’ici dans la parcelle de terre asséchée de l’americana, celle d’où ont éclos de jolis chardons comme Palace, Smog, Nebraska… Après deux albums de folk rauque et rudimentaire, le valencien estime avoir fait le tour de la question, ou du moins du format. Car sans avoir toutefois trouvé des réponses à son spleen déserteur, il est maintenant temps pour H-Burns d’opérer à son tour sa révolution électrique.

Le titre de ce troisième album, We Go Way Back, dévie un peu sur son sens suggéré. Si le songwriter emprunte effectivement dans ses histoires ordinaires le chemin du retour, la musique, elle, s’oriente vers des nationales plus larges, fluides et éclairées. Direction la douce mélancolie. Sur le périphérique, le valencien n’est plus seul au volant de son véhicule, ses musiciens de tournée se joignent à lui. Comme compagnon de cordée, on retrouve les talents pianistiques du doux-rêveur Jonathan Morali (Syd Matters), Stéphane Milochevitch derrière les fûts (génial Thousand en solo ou avec Bramier) et les guitares amplifiées mais épurées du fidèle Antoine Pinet, sans oublier la présence partielle — et non des moindres — du canadien Tony Dekker (Great Lake Swimmers). Lap steel et banjo, autre codes élémentaires pour prendre cette route, sont évidemment livrés dans la boîte à gants.
Avec cette fine équipe, il va sans dire que ce troisième opus atteint des reliefs mélodiques jusqu’ici inaccessibles sur les précédents. A tel point qu’H-Burns se range maintenant dans le cercle fermé de ces petits français comme Calc ou Herman Dune, capables de défier les yankees sur leur propre circuit. Si ce troisième opus a été enregistré à Grenoble durant l’hiver dernier, il suffit de fermer les yeux et écouter pour comprendre que We Go Way Back a certainement dans le moteur (dans le coeur dirons-nous) plus d’Amérique que bien d’autres estampillés du logo Made In USA.

Dans une sorte de fausse mise en place, une guitare et une batterie hésitantes tentent de s’apprivoiser lors des premières secondes de We Go Way Back. La mécanique à lampe chauffe lentement mais, dès le refrain, prend sa vitesse de croisière. L’électricité influe sur le rythme, l’émotion nous dépasse. Passé la seconde borne, “Fires In Empty Buildings” semble indiquer qu’il est interdit sur cette voie de rouler en dessous de 90 km/h. On atteindra encore quelques belles pointes de vitesse sur les enlevées “Images Are Getting Hard To See » et « Half A Man / Half A Freak ». H-Burns n’est pourtant pas engagé dans une course, il sait ralentir, contempler le paysage, seul avec la musique de son poste radio. Justement, il sort de ses enceintes quelques incunables des années 90 en matière d’indolence superbe : l’éloquence lo-fi de Swell, Pavement bien sûr, et dans le registre acoustique, les plain(t)es boisées du regretté Vic Chesnutt — sur les notes en suspension et sans fioritures de “Lonely Nights On Queen Street”, “I Can Haunt You”. Et puis quelques clins d’oeil appuyés aux vénérés anciens — les choeurs à la Crosby Still Nash & Young sur “A Part Of The Film” (avec le piano déserteur de Jonathan Morali). Si ces références sont évidentes, l’écriture d’H-Burns est suffisamment solide pour transcender la panoplie «alternative country» et faire son propre chemin. En plein deuil de l’immense Vic Chesnutt, on ne peut s’empêcher de penser à West of Rome et Is the Actor Happy en écoutant We Go Way Back. Des disques de la même veine, du même sang.

– Lire également la chronique de Songs From The Electric Sky

– Une vidéo de « We Go Way Back » lors du festival Fnac indétendance » :

– Le site officiel

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