Voici que déboule Gisli, songwriter islandais biberonné à la power pop américaine de Weezer et au folk déjanté de Beck. Un premier album débordant d’énergie à avaler d’un trait en prenant garde à l’indigestion tout de même…


Islandais de naissance, exilé à Oslo, Gisli débarque de nulle part avec un premier album ambitieux et un nom à coucher dehors (Gisli = otage en islandais). Petit frère polaire du grand Beck, période Odelay, cet ex-batteur du groupe punk Pornshot coiffe la casquette d’auteur-compositeur et s’impose d’emblée comme un songwriter à l’américaine habile à trousser des mélodies imparables. Pressé de démontrer son talent, l’homme égraine son chapelet de pop songs à toute bringue sur une base folk teintée de noise pop et de phrasé hip hop indie. Avec toute l’arrogance de son titre « How About That ? » (Qu’est-ce que t’en penses?), ce disque nous rappelle qu’il y aura toujours des types doués pour vous coller des frissons avec trois accords et autant de traumas existentiels. Décidément la nature est injuste. Pourtant…

Passée l’euphorie des premières écoutes en boucle, on se demande ce que ce disque apporte vraiment. Certes un titre comme « Go Get ’em Tiger », diablement efficace, nous propulse dans une banlieue résidentielle middle class où les jeunes jouent à Jakass dans les backyards pour tromper l’ennui. Sur des guitares rageuses, des lignes de basse au pilon et des breaks de batteries incisifs, Gisli fustige son siècle sur des textes ironiques mais sans grande finesse : la colle ça se sniffe, les avocats sont véreux, la TV est lénifiante, les histoires d’amour foirent. Les pensées de l’homme tiennent toutes entières dans les titres de ses chansons (« TV = The Devil » etc.), son inspiration se nourrissant de ses échecs personnels. Bref, rien de neuf sous le soleil, ni dans la forme ni dans le fond, si ce n’est encore une fois l’influence pesante d’un certain modèle de composition venu en droite ligne des petits blancs-becs américains.

A défaut d’originalité, le Gisli qui nous touche est ailleurs… Dans les ballades folk dépouillées de « Worries » et « You & Me », dans les envolées sparklehorsienne de « I’m Trying », dans ce grain de voix éraillé plus rond et plus apaisé au fil de l’album et des confidences dans le micro. Bref, quand l’homme lève le pied et joue la carte de la pudeur.

Avec toute la fougue de ses 27 ans, Gisli a accouché d’un album foutraque (à l’image de la pochette et de son site internet), inspiré et énergique dont le succès le prend au dépourvu. Aucune roublardise, aucun plan marketing derrière cette musique donc, juste un type qui a assimilé un pan entier de la musique populaire tout seul dans sa chambre. Le temps nous dira si cette graine de songwriter au visage poupin et à la bedaine d’un Daniel D. Johnston n’a pas poussé trop vite. En attendant, ceux qui le souhaitent pourront toujours ressortir les baggies et le skate du placard pour s’offrir un bain de jouvence post-adolescent qui défoule.

-Le site de Gisli