Le monstrueux trio synthpop emmené par le phénoménal Sam Herring ne convainc hélas qu’à moitié sur son quatrième opus.


Baltimore la discrète. Au pays de l’oncle Sam, la capitale du Maryland est un peu en retrait comparé d’autres villes américaines dans l’air du temps comme Portland ou Austin. Mais la ville peut néanmoins se vanter d’abriter deux des meilleures inventions culturelles des années 2000 : la géniale série policière The Wire (Sur écoute, in french) et le trio synthpop Future Islands. Il est évidemment question ici du second. Ces trentenaires à l’allure casual pourraient passer inaperçus, ce serait sans compter sur le troublant chanteur Sam Herring, dont les performances scéniques ont scellé la réputation du groupe.

Il faut voir au moins une fois sur scène (ou par défaut sur YouTube) ce sosie involontaire de notre François-Xavier Demaison national, se transformer en crooner tragédien totalement habité, puis dans la seconde suivante se courber et hurler à la mort comme une bête blessée. Sans le moindre costume ou effet doublé sur sa voix, Sam Herring est capable de moduler spectaculairement son chant à la façon d’un Mike Patton, mais qui serait pris d’une fièvre théâtrale ; Il y a dans son regard un grain de folie que l’on a seulement croisé chez d’autres egos dérangés du 7e art comme Klaus Kinski ou Jack Nicholson (exception faite peut-être de John Maus). A tel point qu’on rêverait de le voir embrasser une carrière d’acteur. Sam Herring est une bête de scène (dans le sens littéral du terme) et sans conteste l’un des chanteurs les plus physique et bouleversant qu’il nous ait été donné d’entendre ces dernières années.

Aussi, on attendait certainement trop de ce quatrième opus qui fait suite à l’insubmersible On the Water (2011). Forcément, Singles déçoit. La production, plus catchy et dansante que jamais, sous l’impulsion de Chris Coady (metteur en son de Beach House et Grizzly Bear), ne convainc qu’à moitié. On comprend que le trio a cette fois consciemment privilégié des arrangements electro luminescents – toujours sur la brèche du bon goût – pour contrebalancer avec les vocalises écorchées assénées par Sam Herring. Seulement, les mélodies ont aussi perdu de leur force, et surtout, les textures synthétiques alliées au sempiternel même tempo donnent l’impression à plusieurs reprises de répéter un peu le même schéma couplet/refrain (« Doves », « Like The Moon »…), cela malgré l’énergie incroyable déployée par son chanteur.

Reste tout de même quelques moments de grâce : En premier lieu, le single « Seasons (Waiting on You) », au refrain europop tendancieux mais efficace ; l’aérien « A song For our Grandfather » qui offre une belle de respiration à l’album ; la ballade « A Fall From Grace », où Herring, emporté, joue à la perfection les mi-ange/mi-démon ; enfin le poppy à souhait « A Dream Of You And Me » logé à la toute dernière plage du disque. Le reste est loin d’être indigeste, mais seulement pêche en comparaison avec la qualité de deux opus précédents In Evening Air (2009) et On the Water (2011).

Tout cela est un peu dommage, car Future Islands est en train de récolter le fruit de son dur labeur, en accédant à une audience plus large aux États-Unis depuis leur performance très remarquée chez David Letterman (ils ont aussi quitté Thrill Jockey pour l’écurie 4AD). Cela dit, avec ou sans Singles, la présence hypnotique de Sam Herring va de toute manière continuer à agrandir le cercle d’admirateurs de cette formation bien singulière. On n’en doute pas.


Ecouter l’album en intégralité sur NPR