Sur leur sixième opus, les texans modernisent leur post rock et vise non plus le ciel, mais l’espace. Prêt à assister à la super nova ?



Tourner en rond, éviter la redite. Tel est la menace qui guette tout groupe de rock, qui plus est lorsque celui-ci est instrumental et évolue dans le giron post rock. Les texans d’Explosions in the Sky, n’y échappent pas. Après une entrée fracassante voilà quinze ans avec le traumatisant Those Who Tell the Truth Shall Die, Those Who Tell The Truth Shall Live Forever (leur second album en vérité, mais considéré par ses géniteurs comme leur premier), le quatuor d’Austin a peu ou prou développé sur ces cinq albums un rock hautement dramaturgique, habité il est vrai d’une grâce épique et d’une flamme hors-norme.

L’impact émotionnelle, ou plutôt la puissance de frappe d’EITS était telle, notamment sur The Earth is Not a Cold Dead Place (2003) et All of a Sudden I Miss Everyone (2007), qu’on pouvait très bien se passer d’éventuelles remises en question d’ordre artistique ou autre évolutions. Retrospectivement, Take Care, Take Care, Take Care (2011) voyait pourtant le quatuor perdre pour la première fois de son intensité, emprisonné au sommet d’une tour qu’il avait lui-même fatalement érigé. Bien conscient de cette impasse, le groupe a depuis trouvé une voie de sortie en composant quelque BO de films (notamment celle remarquable de Prince Avalanche en 2013) mais aussi par le biais d’Inventions, le projet électronique parallèle du guitariste Mark T. Smith avec Eluvium. Ces échappatoires plus expérimentaux ont indéniablement apporté un second souffle, notamment par l’apport et le développement de couleurs synthétiques inédites (nappes atmosphérique, boites à rythmes, triturages electronica…).





The Wilderness, sixième opus, apparaît comme l’aboutissement de ses cinq années d’investigations soniques. C’est une réussite indéniable. Tout au long de ses neuf titres, Explosions in the sky se réinvente, modernise son propos, tout en parvenant à conserver cette “flamme originelle”, organique, onirique si singulières. Notamment par l’intervention des guitares, plus mesurées, et qui ménagent leurs entrées. Une révision des fondations qui passe notamment par l’impulsion rythmique, moins tonitruante mais plus hypnotique voire déterminante sur des titres tels que “Tangle Formations” ou encore l’épatant “Logic of a Dream” (qui évoque étrangement au début un Trail of Dead cataclysmique, avant de s’apaiser sur des arpèges de guitares nébuleux). Sans pour autant céder totalement au virage Math rock, on peut dire qu’EITS en exploite quelques éléments pour travailler une nouvelle forme de tension répétitive, qui s’installe subtilement dans la durée – démonstration faite dès l’inaugural “The Wilderness”.

Autre surprise, « Colors in Space », nimbée de nappes atmosphériques, dévoile une palette inédite de sons, dont la seule force évocatrice du titre contribue à nous plonger au coeur d’une supernova. Mais la pièce névralgique du disque est incontestablement “Disintegration Anxiety”. Postée à la cinquième plage, ce spectaculaire crescendo concentré en 4 minutes 13 secondes dame indéniable le pion à Battles. Alors que peu de groupes de post rocks suscite encore notre intérêt, EITS continue de mettre nos sens en éveil. Et le challenge n’est pourtant pas mince à relever.

Ce sixième opus donne l’impression d’entendre la BO d’un long métrage – même si, après tout, on pouvait aussi considérer que c’était également le cas sur leurs albums précédents. The Wilderness (le désert) dont il est question ici, serait plutôt infini. Car cette fois, il ne s’agirait plus de l’évocation d’une production indépendante bucolique, mais d’un film de science-fiction épique et profond, quelque part notre Interstellar post rock.