S’inscrivant dans la lignée de la pop-song d’orfèvre 70’s, ce trio new yorkais rend hommage aux maîtres du genre avec une collection de morceaux pleins de classe et de décontraction.

Si EZTV (un hommage au site de téléchargement illégal récemment fermé ?) était inconnu au bataillon des cohortes de groupes new-yorkais il y a encore quelques mois, ses membres ne sont pas néophytes pour autant : le chanteur Ezra Tenenbaum contribue depuis dix ans à divers projets (non aboutis) de la scène locale, tandis que le batteur Michael Stasiak est issu de Windowspeak. Débuté comme un projet solo par Ezra Tenenbaum, le trio de Brooklyn s’est transformé en véritable groupe lors d’une audition (ratée) pour être le groupe de tournée de Spiritualized. Ajoutons à ce CV déjà garni qu’EZTV représente la dernière découverte de Captured Tracks, label que l’on sait très inspiré. Le disque a lui été enregistré avec Jarvis Taveniere de Woods, autre preuve de bon goût.

Malgré ces atouts, la sortie de l’album n’a pas bénéficié d’une grande couverture médiatique cet été. Pas chroniqué par Pitchfork, ce qu’on imagine être un coup dur à avaler pour une groupe de Brooklyn, EZTV serait-il passé inaperçu au début du mois de juillet dernier, alors que les chroniqueurs les plus influents étaient occupés à faire des barbecues ou à vomir leur dernière incartade au régime sans gluten ? Il serait pourtant dommage de se priver de cette collection de chansons aux arpèges délicats et mélodies évidentes, qui ravivent le souvenir des plus dignes représentants des power et jangle pop des 60’s et 70’s (The Byrds, Big Star en tête), mais aussi celui du college rock américain des 80’s.

Comme de tradition, la production met les guitares en avant : réverbération abondante, effets tournoyants, riffs ciselés. La voix est elle légèrement nonchalante, comme emportée dans ce flot de guitares. On y décèle une douce nostalgie, à peine masquée par la subtile effervescence sonore. La pop mélancolique de The La’s n’est parfois pas loin. « Pretty Torn Up » convoque à la fois Big Star et The Cars : une batterie imposant un rythme échevelé, une basse galopante, un synthétiseur régressif et des « clap-clap », le tout pris dans un entrelacement de guitares. Sur « Hard To Believe », un riff ondulatoire côtoie un chant légèrement traînant, avant de laisser place à un refrain entêtant. Le superbe single « Dust In The Sky » évoque ensuite le Tom Petty de Damn The Torpedoes, avec sa basse ronde et sa six-cordes Rickenbacker carillonnante. Sur « Trampoline », des accords sautillants impriment le mouvement du rebond. Enfin, « White Cloud » clôture l’album en douceur avec des cymbales traînantes et des notes de guitares qui s’étirent.

Dans cet enchevêtrement divin d’arpèges, les textes abordent le doute, la perte, la difficile acceptation de soi. Des sujets plutôt graves qui tranchent avec les mélodies lumineuses. Sur « Pretty Torn Up », Ezra Tenenbaum relate une crise émotionnelle tout en chantant de manière flamboyante. Et « The Light », avec son chant indolent, n’en est pas moins une ode à l’optimisme. « Soft Tension » délaisse cet équilibre contrasté avec son tempo plus lent et sa tonalité plus basse. C’est le premier moment apaisé après un début d’album mené tambour battant.

L’album paraît de prime abord un peu trop homogène, et le chant parfois peu habité, mais la plupart des mélodies se fredonnent naturellement après quelques écoutes. Le groupe dépasse donc la simple citation d’influences pour inscrire ses références -totalement assumées- dans une création inspirée. Quand des élèves aussi doués et érudits imitent les préceptes de leurs maîtres avec une dextérité de moines copistes, pourquoi bouder son plaisir ?