Le rock suffocant des Disparus de Chicago a accru de son pouvoir hypnotique. Gare à l’asphyxie orgasmique!


Évidemment, l’atout médiatique du deuxième album des chicagoans Disappears, c’est l’intégration définitive et à plein temps de Steve Shelley au sein du processus créatif. Mais que les nantis ne s’y trompent pas, Pre Langage laisse entendre bien plus qu’une récréation anecdotique de l’ex batteur de Sonic Youth. Disappears est un véritable groupe, formant une identité forte et cohésive. Et ce second album confirme tous les espoirs portés sur eux depuis leur terrifiant début avec le LUX ep sur Touch & Go.

Après avoir essuyé quelques déconvenues d’ordre contractuel, l’heure semble avoir enfin sonné pour le trio emmené par le braillard ténébreux Brian Case (ex 90 Day Men, The Ponys), Damon Carruesco (basse) et Jonathan Van Herik (guitare). Guider, premier long format paru en 2010, n’avait convaincu qu’à moitié, enregistré de fait par le trio en pleine phase indécise et sans label. Désormais quatuor et conforté par Kranky, prestigieuse maison où le groupe joue à domicile, Pre Langage est le grand disque que nous attendions de leur part.

Cela n’aura échappé à personne, Disappears joue du rock avec des guitares. Mais dans un registre rêche, pesant, dénué d’artifices, qui réveillent certaines valeurs un peu oubliés ces derniers temps dans le giron indépendant. Le danger. Reprenons notre chronique précédente, car nous n’avons toujours pas trouvé mieux pour décrire ce rock séminal, : « Disappears génère une carthasis binaire des plus hypnotiques. Un rock anxiogène, stupéfiant monument de dissonance où sont régurgités avec un talent insolant krautrock, Velvet Underground, The Fall et Suicide ». Ces influences, toujours autant d’actualité, continuent d’innerver sur Pre Langage cette esthétique glaçante développée depuis leurs premiers morceaux. Imperturbable, Disappears persévère dans cette voie, creusant, affutant ses motifs répétitifs, qu’ils décuplent désormais jusqu’à un point de tension pouvant être extraordinairement écrasant (« Replicate », l’incroyable ouverture de l’album, ou encore les guitares minimalistes et menaçantes de « Joa »). Les guitares jouent fort mais sans la moindre tentation à l’emphase pourtant si facile, à tel point que dans le même registre le Turn on the Bright Light d’Interpol passerait pour du U2…

La section rythmique, tendue jusqu’à l’agonie, est pourtant bel et bien le poumon des thèmes déclinés sur ces neuf plages. Il faut dire que Steve Shelley est dans une forme étincelante. Lui qui n’a plus rien à prouver, aurait très bien pu profiter au soleil de ses rentes. Pour que l’un des meilleurs batteurs de rock de tous les temps intègre à plein temps ce trio d’inconnus et accepte de repartir en tournée dans des conditions modestes comme il n’a pas connu depuis ses débuts, c’est qu’il a retrouvé à travers ces nouveaux camarades une seconde jeunesse sonique. Quant à nous, longtemps après avoir retiré nos écouteurs, le cri effroyable poussé par Disappears continue de hanter nos esprits.

Replicate from Disappears on Vimeo.