Destins croisés de la pop moderne : au moment où une séduisante compilation condense les enregistrements pour la BBC du groupe Tunng, son ancien leader Sam Genders se réinvente en solo.


Figurant parmi les plus belles réussites musicales de l’hiver, le premier album de Diagrams est loin d’être l’œuvre d’un inconnu. Fondateur et compositeur principal des formidables Tunng, rénovateurs discrets mais essentiels du folk britannique apparus au beau milieu des années 2000, Sam Genders aura préféré abandonner ses compagnons de route en pleine ascension, pour mieux se consacrer à la réalisation de ce nouveau projet solitaire éblouissant. À rebours de son intitulé assez peu engageant, Black Light est un disque de pop lumineuse et inventive, à la fois organique et électronique, qui doit autant aux tubes élastiques d’Hot Chip ou Metronomy qu’aux douceurs scandinaves d’Erlend Oye.
La bonne idée de ce premier opus remarquablement accompli est de veiller à concentrer les mille et une trouvailles sonores de son auteur dans un format idéalement resserré (l’imparable single « Tall Buildings » ou l’indie-pop teintée de white funk d' »Antelope »). Une leçon de retenue dont on souhaiterait qu’elle donne des idées aux légions d’expérimentateurs en herbe nés ces dernières années dans le sillage plus ou moins trouble d’artistes comme Sufjan Stevens, qui confondent beaucoup trop souvent ambition et prétention. Même lorsqu’il choisit de laisser libre cours à ses penchants les plus expérimentaux, comme sur l’ultime et répétitive « Peninsula », ce digne héritier de Gruff Rhys reste guidé par son goût immodéré pour les spirales mélodiques d’une pop délicatement psychédélique, dont on a probablement pas fini d’explorer toutes les possibilités.

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Pendant que le démissionnaire Sam Genders fournit la démonstration plus qu’éclatante de son savoir-faire, ses anciens camarades de Tunng jettent, quant à eux, un premier coup d’œil rétrospectif sur leur parcours, par le biais d’une compilation de leur sessions radiophoniques pour la BBC (depuis leurs débuts en 2005 jusqu’à 2010). L’occasion de remettre en perspective le travail d’un groupe qui s’est toujours appliqué à combiner les traditions du folk anglo-saxon avec les aspirations progressistes de l’avant-garde pop. Mais, bien au-delà du mouvement folktronica auquel on les a bien souvent rattachés, les Anglais rappellent ici qu’ils forment d’abord un collectif à l’écriture hors du commun, bâtisseur inspiré de mélodies très souvent indélébiles (le fameux « Bullets », présenté ici dans une version encore supérieure à l’originale). « Tamanant Tilay », collaboration insolite avec les bluesmen Touaregs de Tinariwen ou une relecture transcendante du «Pioneers» de Bloc Party sont de charmantes curiosités au sein d’une collection de onze titres en forme de best-of anticipé, dans l’attente de nouveaux développements que l’on espère imminents (un cinquième album est pressenti pour cette année).
Mike Lindsay, désormais seul maître à bord, aura entre temps probablement mis la touche finale à son alléchant side-project Cheek Mountain Thief, échafaudé en Islande avec quelques autochtones triés sur le volet (Mugison, Sin Fang…). De quoi nourrir l’appétit créatif d’un artiste qui, à l’image de son ancien partenaire, excelle à tracer pour la pop de passionnantes lignes de fuite.

This is Tunng… Live from the BBC (Full Time Hobby / Pias)

Le clip de « Antelope » :