Cyann & Benn m’envoûte, m’ensorcèle… me fait découvrir des contrées merveilleuses que je n’osais même pas imaginer dans mes rêves les plus fous. Soudain, les oiseaux s’envolent… un nuage noir vient obscurcir le ciel bleu.


Rangé sur notre tableau d’or aux côtés d’Herman Düne et M83, Cyann & Ben fait figure de fraîche alternative dans notre giron rock hexagonal. Grâce à eux, nous n’avons plus à rougir face à l’impérialisme anglo-saxon, du moins pas autant que dans le passé. Et ça, c’est une nouvelle formidable. « Le français », cette drôle d' »exception culturelle », peut dorénavant se faufiler dans un pointu forum américain et glisser, sans broncher, quelques précieux noms français entre un Six Organs of Admittance et Animal Collective, sans passer pour un plouc aux yeux d’ interlocuteurs intolérants (oui, maman me l’a déjà dit, j’ai de mauvaises fréquentations…). Pourquoi ? Parce que rares sont les groupes de chez nous qui peuvent se targuer d’avoir une distribution au-delà de nos frontières sur des labels de renom tel que Locust, Mute, Track & Field

Au départ, nous n’étions pas vraiment client du psychédélisme planant du quatuor de Charleville-Mézieres. Une prestation jugée trop hermétique, il y a deux ou trois ans lors d’une première partie donnée au Nouveau Casino m’avait un peu refroidi sur le potentiel du groupe (un énorme trou de mémoire me traverse – si par hasard quelqu’un se souvient de la tête d’affiche qu’il me fasse signe). Et puis le déclic. Depuis cet été, on a révisé notre jugement. La marge de progression entendue sur le Sunny Morning EP est tellement grande qu’on commençait même à se languir d’avoir entre les mains cette version longue. Et de la part de votre serviteur, généralement peu dévoué à la cause rock française, l’engouement tient de l’exploit (les extraterrestres Santa Cruz et Sébastien Schuller étant jugés hors concours). Epaulés par Antoine Gaillet, qui officiait déjà derrière les manettes sur Happy Like an Autumn Tree (2004), Cyann (clavier/chant) & Ben (chant/guitare/clavier) & Loic (guitare/clavier) & Charlie (batterie/sampler/clavier) ne nous promettent pas monts et merveilles, il nous les servent d’emblée in extenso.

Rétrospectivement, le vertigineux “Sunny Morning” a donné le La de cette nouvelle expédition. Une intrigante errance acid-folk qui débouche à mi-parcours sur un compte à rebours post-rock. Puis, c’est l’ascension magistrale, dégageant une beauté d’une force presque effrayante. Comme si une gigantesque forteresse s’arrachait lentement de la terre devant nos yeux pour s’élever vers les cieux. Assisté de Greg Weeks au chant, l’une des figures du revival acid-folk, cette virée planante ne pouvait que flirter avec l’excellence. Cette sensation d’apesanteur nous traversera également sur le vague à l’âme nébuleux de “Guilty”, bousculé par une progression de guitare carillonnante. Divers qualificatifs nous traversent l’esprit tout au long de cette odyssée psyché folk revêtue de ballades somptueuses : menaçante, merveilleuse, intrigante, grandiose… Aussi belle soit-elle, cette musique cache une présence lovecraftienne, un démon maléfique guettant dans l’ombre les jeux des agneaux (“Let It Play”). Seul “In Union with…”, évocateur des paysages enneigés de Sigur Ros, offre un instant rare de plénitude accentuée par la voix angélique de Cyann, sans que ne pointe la moindre éminence noire.

“Sparks of Love”, lente marche funambule dans la brume de près de huit minutes, dessine d’autres paysages féeriques. La douce Cyann se métamorphose ainsi en Blanche Neige de Disney. Victime de ses hallucinations, la princesse s’enfonce éperdue dans la forêt : les arbres se transforment en d’affreuses créatures qui finiront par l’entraîner dans un gouffre cauchemardesque. Contrairement à Blanche Neige, l’histoire de Cyann & Ben finit probablement mal. Mais ils ne se sont pas perdus en chemin.

– Le site de Cyann & Ben

– Leur page myspace

– Le site du label Ever Records