Sixième album et troisième sous le parrainage du label Vicious Circle si nos comptes son bons, Calc continuent de nous émerveiller avec ce qu’ils font le mieux. En route pour la pop d’orfèvre.


C’est de George Harrison que l’on tient cette phrase célèbre : « Les Beatles, c’est l’histoire de quatre types qui ont sacrifié leur matière grise à des millions de personnes ». Toute proportion gardée, c’est bien de cela dont il est question sur Dance Of The Nerve, soit « La danse du nerf ». Ce n’est pas le corps qui réagit à l’écoute de ces pop songs chavirées mais notre système nerveux. Sous cette apparente voix docile et ses harmonies automnales, le beau spleen de Calc innerve et nous transperce de part en part. On ne saurait expliquer cette alchimie qui se produit lorsque quelques sentiments flirtent avec quelques accords boisés. Et c’est tant mieux.

Depuis 10 ans déjà, Calc peaufine en toute confidentialité son art qui tient à peu de choses, mais ce peu de choses est vital : tendre vers l’émotion pure. Cette formation bordelaise a trouvé son chemin dès ses débuts et n’en dévie pas. Les albums se succèdent et se ressemblent un peu. Julien Pras, le cerveau, l’âme de Calc, connaît parfaitement ses limites : ses pop songs rudimentaires ne cherchent pas à réinventer le monde, elles sont un monde, une identité singulière. Par ses propres moyens, le quatuor a su se dépasser, c’est ce qui fait toute sa force. De Guided By Voices en passant par les premiers albums d’Elliott Smith ou Sebadoh, cette éthique d’aller à l’essentiel dans des conditions un peu précaires, sans surenchère ni poses inutiles, a fait école.

Si vous apostrophez un fan de Calc pour lui demander quel est son album préféré, celui-ci vous répondra le premier qu’il a eu entre ses mains. Car il s’est établi dès le premier rendez-vous une relation intime qui relève du coup de foudre. Leurs chansons deviennent des vignettes intimes du passé traversé à leur côté, indirectement bien sûr, mais qui nous reviennent comme des flashbacks. A tel point que le sentiment prend le pas sur l’objectivité lorsqu’il s’agit de débattre sur un album en particulier.

Objectivement, Dance Of The Nerve, serait leur meilleur album – louange que la plupart des critiques répètent à chaque nouvel album depuis Something Sweet (1999). Pour leur sixième opus, les bordelais ont réquisitionné leur frère d’armes Xavier Boyer de Tahiti 80 pour superviser l’enregistrement. L’ensemble parait plus concis – seulement 10 titres ont été retenus – les arrangements plus soyeux (mellotron, orgue, piano, balais, flûtes…). La valse des hymnes de saison continue, mémorable : “Old Enemies”, “Bad Actor”, la ballade dans les nuages “Orion & Helios” et puis ce piano tremblant sur “Rubber Dolls”. A travers Calc transparaît aussi le spectre d’une présence qui nous manque, un songwriter de Portland disparu voilà tout juste quatre ans et qui nous a tant donné, trop, jusqu’à s’en arracher la vie. Julien Pras cultive comme lui ce songwriting d’orfèvre, ce timbre timide, ce goût sûr pour les matières nobles et cet équilibre précieux qui consiste à laisser respirer la mélodie, ce souffle mélancolique aussi qui nous traverse. Pras est un collectionneur de progressions d’accords, seulement, ses progressions sont un peu plus effilochées que la moyenne. Il y a chez ce groupe une qualité d’écriture et une endurance qui suscitent le plus grand respect.

A vrai dire, on note peu de changement depuis Any Downs At All (2001), époque où l’amateurisme lo-fi a laissé place à un peu plus de professionnalisme (leur Under Bushes Under The Stars à eux, dirons-nous). « Professionnalisme », quel mot vulgaire ! Rectifions : les chansons sont simplement mieux présentées. Mais rassurons-nous, ce n’est pas demain que Calc virera « calcophonique ». Depuis leur première pochette bricolée en amateur à cette dernière franchement répugnante, il perdure cette approche artisanale qui nous conforte tant. Les meilleurs choses sont les plus simples. Ne changez rien les gars.

– Le site de Calc