Les scènes énormes et le wack’n’wol qui se la raconte n’ont en rien entaché l’optimisme du poupon américain. Trop content d’être à nouveau libre, le chanteur bougon reprend sa place, celle de chef de file de la power pop de seconde division.


Quatre albums en 13 ans d’existence médiatique, on ne peut pas dire que Brendan Benson soit un homme pressé. On ne peut pas non plus avancer son amour immodéré pour l’argent puisqu’il a seulement commencé à vraiment vivre de la musique au moment où il a intégré le super groupe de son super pote Super-Jack White, The Raconteurs, en 2006. On en connaît d’autres qui se seraient déjà rangé des voitures et qui auraient probablement ouvert un garage sur la Route 66, éclusant des bières en attendant un hypothétique voyageur qui ne voyage plus que par autoroute. Non, Brendan Benson, lui, ce qu’il préfère, c’est aider les amis, se retirer dans sa maison, caresser ses chats, se choisir un beau chapeau, et à l’occase, enregistrer quelques chansons, suffisamment en tout cas pour tenir dans un album.
On garde en mémoire, ému, ce moment où, en 1996, on fut probablement le seul énergumène de cette ville de province à acheter un exemplaire de One Mississippi, ce premier album brouillon, bariolé, qui ne savait pas ce qu’il voulait, mais tellement attachant et accrocheur. On n’imaginait pas, à l’époque, qu’un seul et même cerveau (autre que celui de Paul McCartney s’entend) puisse aborder autant de styles différents avec le sourire aux lèvres. Et puis on se gargarisa longtemps après de détenir ce disque unique en son genre, de sortir le nom de Brendan Benson à l’issue d’une conversation entre fans de musiques (ces discussions tellement opaques et péteuses pour celui ou celle qui n’y assisterait qu’en pauvre témoin) histoire de rabattre définitivement le claquet de son interlocuteur. Les deux successeurs, Lapalco en 2002 et The Alternative To Love en 2005 ne furent pas plus des succès, alors même qu’ils dévoilaient un artiste plus mûr, plus carré, plus pointilleux et toujours aussi brillant, avec peut-être une pointe de sagesse qui aurait presque fini par nous ennuyer. On commençait même à s’agacer sérieusement de ce manque chronique et parfaitement injuste de reconnaissance autre que médiatique. Aujourd’hui, malgré le tourbillon Raconteurs, on n’est pas sûr que la situation change pour notre ami avec ce disque ouvertement passéiste (son titre et sa jaquette sont explicites) et dans la lignée des trois précédents. Sauf que maintenant, on s’en fout, parce que lui aussi semble s’en foutre. L’occasion d’enfin parler de la musique de Brendan Benson est alors trop belle pour s’en passer.

Brendan Benson est de ces compositeurs qui ne fonctionnent qu’à la spontanéité. Il affirme composer et enregistrer rapidement au moment où il s’y met, et on le croit bien volontiers tant cette immédiateté se ressent dès la première écoute de n’importe lequel de ses disques. Et My Old, Familiar Friend est même le plus spontané du lot. Dès les premières notes de “A Whole Lot Better” BB étale son jeu et évolue en pleine lumière, avec cette power pop solaire et catchy. D’ailleurs, ce premier titre est un parfait condensé de son art, puisque on y retrouve son goût pour les grosses guitares qui tachent et son talent à dresser des mélodies totalement ravageuses, un peu de “n’importe quoi” avec pas mal de “vachement bien” — cette intro calamiteuse n’augure en rien du refrain parfait qui suit, ce genre de contrastes. Même verdict avec “Eyes on the Horizon”, son orgue martial et toujours ce refrain décoiffant. Petite nouveauté avec “Garbage Day” qui, derrière son titre que même Bénabar n’oserait pas (quoique), cache un beau tumulte amoureux avec cette rythmique de coureur de fond et cette averse de cordes.
La force de Brendan Benson, c’est sa capacité à pondre des tubes qui filent en quatrième vitesse. Il y l’immense “Feel Like Taking You Home” qui vaut plus que son schéma répétitif, avec ce son énorme — l’effet Gil Norton, sûrement –, cet orgue titanesque, et cette voix échevelée. Il y a aussi “Poised and Ready”, tube certifié platine dans le meilleur des mondes pop. “Don’t Wanna Talk”, en son genre, se défendrait plutôt, avec ses arrangements plus près des guiboles que de la pompe. Et on gardera “Misery” pour les jours de pluie, avec ses harmonies vocales faites maison et toujours ce don éclatant pour des refrains bêtes comme chou, juste addictifs.
La force de Brendan Benson, c’est sa capacité à pondre des ballades. On pourrait plancher des heures sur ce qui fait de “Lesson Learned” ce pot de miel tellement doux malgré son manteau brumeux. On pourrait fondre littéralement devant “You Make A Fool Out Of Me”, cette espèce de mièvrerie west-coast que plus grand monde n’ose aujourd’hui et qui fait pourtant tellement de bien.

La force de Brendan Benson, c’est surtout sa capacité à mélanger tout ce petit monde, faisant fi de ses maladresses, appuyant de tout son poids sur l’aspect ultra-mélodique de ses compositions. Une musique simple et jamais simpliste, spontanée et sans arrière pensée. Une musique qui n’a d’autre prétention que le plaisir. De la pop, en somme, sous son jour le plus présentable et universel.

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– En écoute, “Feel Like Taking You Home” :