Avec leur nom est emprunté à une touche raccourci clavier ( ∆) , ce quatuor britannique s’adonne à une revigorante pop hybride et pyramidale, sans jamais arrondir les angles.


Dans la famille dada pop outre-manche, on demande le p’tit dernier, Alt-J. Originaire de Leeds, ce nouveau quatuor rentre directement dans la catégorie des laborantins inclassables de la pop. Leur crédo : dynamiter les catégories musicales, soit à peu près tout ce qui tombe entre leurs mains : folktronica, rock psychédélique, math pop, gospel, hip hop, afro-beat … Il faut souhaiter bon courage au critique qui souhaite les faire rentrer dans une case. Car disséquer n’importe quelle chanson de An Awesome Wave nécessiterait une chronique entière, tant chaque composition surprend par sa densité et son caractère imprévisible.

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On sent une grande fibre artistique, on veut dire par là un univers qui s’étend bien au-delà d’une sphère musical formelle. Esthétiquement, au-delà du choix du symbole mathématique ∆ (Alt-J étant sur Mac un raccourci clavier. La Pomme, le triangle… vous suivez ?) leurs clips entretiennent le mystère, notamment l’hitchcockien « Breezeblock » filmé en mode « reverse ». Ou encore la pochette du single « Matilda », montagne inquiétante surgissant de la mer, l’une des plus captivantes qu’il nous ait été donné d’admirer. Les paroles aussi sont truffées de références, du Léon de Luc Besson pour le 7e art populaire au photographe hongrois Robert Capa (fondateur de l’agence Magnum), en passant par le sublime romancier dépravé, Hubert Selby Jr..

Incidemment, cette multitude de sources dont s’abreuve l’éponge Alt-J, influe sur leur méthode d’écriture azimutée. Il y a du Radiohead période Kid A et du Tv on the Radio dans cette obstination à faire emprunter à leurs arrangements des chemins de traverse, en superposant des textures de manière aléatoire et attendre de voir ce qui se passe. Ce premier album rempli d’audace détonne donc par son exceptionnelle imbrication d’éléments à priori contre-nature, arabesque in finé étrangement plus harmonieuse que calculée. En épicentre de ce patchwork bigarré, les harmonies vocales –superbes !- qui encerclent le chant de Joe Newman (guitare/chant) font office de lueur dans ce dédale dadaïste pop (le gospel « Ms », ou le mélodrame cybernétique « Matilda »).

Ainsi nous emporte l’écoute de cette impressionnante vague. Le temps d’un court interlude à la guitare sèche ou au piano, s’enchaîne un blues du bayou intergalactique… Sur « Something Good », on jurerait croiser Timber Timbre portant la combinaison d’astronaute de feu les glorieux ainés The Beta Band. Les claviers solaires de « Dissolve Me » arrivent à point nommé pour devenir notre thème personnel estival. Autant de pistes exotiques que ces cultivés Loiners savent parfaitement mener à terme à chacune de leurs expéditions sonores. An Awesome Wave, cette gigantesque vague, pourrait bien nous renverser. Tsunami addiction…