Découvert sur le film de Philippe Lioret, Je Vais Bien, Ne t’en Fais Pas, dans lequel on peut entendre le single « U-Turn (Lili) », AaRON rencontre aujourd’hui un joli succès sur la toile. Il faut être honnête, voilà une chanson réussie, le genre de scie tire-larmes bien troussée à fendre les coeurs des plus endurcis et à se faire pâmer les âmes seules. Le duo, composé de Simon Buret et Olivier Coursier, connaît ses classiques, en tout cas ceux des années 90 (pas les pires, quoiqu’en disent certains défenseurs impotents… euh, pardon, importants de la cause indie). Le passage au format album est donc une étape décisive pour ce tout jeune groupe. Artificial Animals Riding On Neverland délivre une électro-pop classique et classieuse qui ravira les amateurs du Happiness de Sébastien Schuller, mais arrive deux bonnes années trop tard. La production y est irréprochable, dans la plus pure tradition DIY, but-de-préférence-in-your-chambre. Orchestration ambitieuse, mélodies denses, mode mineur obligatoire, chant en anglais (Simon Buret a des origines américaines par son père). Malheureusement, AaRON n’arrive pas toujours à éviter l’écueil de la redite, malgré quelques durcissements de ton aussi rares que brillants (« War Flag »), et n’a pas encore totalement digéré ses références – on préfèrera encore les brisures d’Ozark Henry. Il serait toutefois dommage de passer à côté de cet objet. Soulignons notamment le courage du groupe qui ose une reprise réussie de « Strange Fruit », grand classique américain sordide (les fruits évoqués ici sont les corps de personnes de couleur impunément pendues dans les années 50 par le Ku Klux Klan), magnifié par Billie Holliday et littéralement transcendé par l’immense Nina Simone (on croirait d’ailleurs l’entendre ici, sensation troublante). Au final, un disque un peu vert, mais vraiment prometteur.

– Le site de AaRON