L’heure de la fermeture a sonné ! Que tout le monde entre !


Allez mesdames, on ferme !” semble s’écrier la pochette du dernier album de Erland And The Carnival. Malgré tout le respect qui leur est dû, il serait effectivement temps que ce trio infernal sorte enfin se dégourdir les jambes. Mais qui sont donc ces vénérables personnes dont le compositeur veut se débarrasser ? La solitude ? Un amour malheureux ? Quelques mauvaises ondes ? Un triumvirat entêtant qui tant hante Erland Cooper au point d’enfin tenter de les mettre à la porte !

En tout cas, si l’exorcisme ne fonctionne pas, ce ne sera très certainement pas la faute de Closing Time, troisième opus du groupe outre-manche composé également de Simon Tong et David Nock. Ces musiciens au service du talent incommensurable de Cooper, sont déjà responsable du très beau Magnetic North sorti il y a maintenant deux ans et de deux albums avec son Carnival (hommage à Jackson C. Frank). Ainsi, les références d’excellence se suivent au rythme des dix chansons du disque, depuis le teuton Konstantin Grooper de Get Well Soon et son engouement pour les magistraux arrangements de cordes pop (« Closing Time », « Is It Long ‘Til It’s Over ? ») au cousin américain Joseph Arthur pour les ballades « Radiation » et « Daughter » quand ce n’est pas le voisin Merz qui transpire au travers d’un poignant « They’re Talking About You Again » ou Neil Hannon qui aurait enfin trouvé le secret d’un morceau sans maniérisme ni pompiérisme lors du très enlevé « Birth Of A Nation » pourtant plein de finesses.
Mais fi des comparaisons ! Closing Time est un album de la rupture, un disque de la renaissance qui confine à son/ses auteur(s) (difficile de ne pas y voir avant tout l’ouvrage de Cooper arrangé par ses pairs) un statut enfin à la hauteur de son/leur talent : sans vergogne, le disque est une sortie pop majeure de l’année au côté de son jumeau américain Avi Buffalo. Tout thème abordé, tout genre musical cité est si bien maîtrisé qu’aucun temps mort ni lassitude ne viennent trouer cet instant magique. La voix tour à tour entraînante, lasse ou morose, le piano qui vient répondre aux arpèges d’une guitare acoustique ou les envolées de claviers (un très synthétique « That’s The Way It Should Have Begun (But It’s Hopeless) » ) ou de cordes, un mid-tempo par-là, une pop-song débordante de vitalité par-ci, l’entité intrinsèque du disque n’en est pourtant jamais bousculée.

Et malgré les messages de désespoirs profonds « Nothing Lasts Forever » (« Closing Time »), les réponses apaisées « I don’t mind where I fall » (« Quiet Love ») prêchent une sérénité retrouvée. Et d’entendre l’artiste respirer, marquer de son souffle rasséréné un très beau « Wrong » qui sonne tout sauf complètement faux. Et si vient bien l’heure de la fermeture, c’est avant tout celle d’un esprit dérangé qui a enfin trouvé le repos et la quiétude, qui s’est assaini des mauvais esprits, qui est prêt à s’ouvrir à nouveau à toutes velléités. Pourvu que le talent d’Erland Cooper jamais n’en pâtisse.