Le symphonique quatrième album de la chanteuse américaine charme … ou trouble, c’est selon.

Un débrief express de la discographie de la musicienne Angel Olsen révèle une belle trajectoire. Depuis son premier long format en 2010, Halfway Home (Bathetic Records), ses choix artistiques, la qualité de ses compositions, l’authenticité de ses textes… et son timbre de voix nous ont toujours séduits. Ses débuts au côté du cow-boy Bonnie (‘Prince’ Billy) (elle a choisi de ne pas être éternellement sa Clyde !) semblent déjà loin. Son image se pare même aujourd’hui d’un petit côté mystérieux, car pour ce nouvel opus sa mue est bien spectaculaire. Ses débuts folk et rêches, son penchant punk, ses compositions rock ou indie ont laissé la place au très personnel mais si ambitieux et juste All Mirrors. Olsen a plongé dans le miroir ; elle y a vu des violons, beaucoup de violons mais aussi une pléthore d’instruments à cordes. Son feu intérieur (Burn You Fire for No Witness) brûle toujours avec intensité mais nouveauté avec un orchestre de 14 musiciens comme témoin de ses émotions. La donne change mais la musicienne assume et assure. Les cordes sont la force vive de cet enregistrement, elles irradient littéralement ses compositions et mettent en valeur de façon mémorable son chant qui en devient magnétique ou poignant selon les compositions.

Cet habillage symphonique de haute volée elle le doit au producteur John Congleton, (ils ont déjà travaillé ensemble en 2014 sur Burn You Fire for No Witness), au musicien, arrangeur et compositeur Jherek Bischoff et à son ami de longue date Ben Babbitt.

Cette œuvre magnétique c’est le mélange pertinent des cordes et des synthés (typés années 80) juxtaposés à de multiples couches de réverbération. La froideur des nappes de claviers mélangée au flux de chaleur des cordes et au chant exalté ou intimiste de la musicienne font toute l’attractivité de ce disque. Angel Olsen souffle le chaud et le froid dans une cavalcade intimiste et enflammée à nulle autre pareille. L’exercice était pourtant périlleux mais le pari est abouti.
Dans un style pas si éloigné elle enfonce même sous la ligne de flottaison le bien moins consistant Titanic Rising de Weyes Blood. Musicalement Angel Olsen a travaillé sur une matrice de compositions basiques et dénudées dans l’esprit déclare–t-elle de celles enregistrées en 2010 sur sa première sortie, la K7 Strange Cacti, époque où la musicienne côtoyait la scène DIY de Chicago. Aujourd’hui c’est un produit final aux antipodes et bien plus sophistiqué que l’on apprécie.

Le spectaculaire morceau d’ouverture “Lark” ne laisse planer aucun doute sur la suite des réjouissances. Un chant minimaliste précède l’explosion en cinémascope d’un orchestre à cordes adoubé de claviers et de basses et dominés par la voix angoissante, gothique et exaltée de l’américaine. Cette suite épique de 6 minutes sera une montagne russe émotionnelle. La suivante et deuxième piste “All Mirrors” est un petit bijou. Merveilleuse, stellaire et désenchantée on la découvre sur ces premières paroles: « I’ve been watching all of my past repeating ». Le synthétiseur résonne de concert avec les cordes (splendides) et la voix de Olsen hantée qui se clôt dans un final mémorable au son de ces paroles – «at least at times it knew me» durablement ancrées en nous.

Ce 4ème LP est le terroir de sentiments exacerbés ; ses textes personnels abordent  les thèmes de la rupture et de l’amitié. Le tableau n’est pas tout rose et Olsen projette toutes ses émotions dans cette collection de chansons habitées.
Il arrive malgré tout que le curseur de la drama retombe de temps à autres ; c’est le cas du pop et rétro “Too Easy” où de l’aérien “Spring” cadencé au son d’un mellotron. “New Love Cassette” lui progresse et titube de concert avec d’imposantes nappes de synthé. Ces trois titres mettent en exergue le  timbre de voix caméléon de la musicienne d’Asheville. Olsen est une acrobate de l’émotion.

A l’exception du nordique et un brin westernien “Summer” (cette composition rappelle beaucoup Bel Canto la formation de la musicienne Anneli Drecker) le dernier tiers de ce voyage séduisant lie les séquences infiniment intimistes et plus mélancoliques. Le binôme symphonie vs émotion est alors à son paroxysme comme sur le calme “Tonight” accompagnée de son lit de cordes féeriques. Sur l’avant-dernier titre “Endgame” elle aurait pu s’éclipser, en se volatilisant, comme dans un rêve, mais c’était sans compter sur la dernière marche – le romantique et déchirant “Chance”.

Jagjaguwar – 2019

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Tracklisting :

  1. Lark
  2. All Mirrors
  3. Too Easy
  4. New Love Cassette
  5. Spring
  6. What It Is
  7. Impasse
  8. Tonight
  9. Summer
  10. Endgame
  11. Chance