Les Pays-bas. Quelques groupes freakbeat-garage pendant les années 60’s, The Outsiders par exemple. Les Nits. Et puis quoi d’autre ? Pas grand chose. Ah si, Alamo Race Track maintenant, mais ce serait plutôt ailleurs qu’il faudrait trouver des antécédents valables à une telle pop, gorgée de sève et de talent.


Le grand atout d’Alamo Race Track, ce n’est pas d’être post-punk mais de faire de la pop avec l’énergie d’un groupe post-punk. La première chanson, “Black Cat John Brown”, sorte de comptine bluesy entêtante aux relents d’XTC période Drum’s and Wire donne le ton. Il y a effectivement des chansons de la trempe de “Making Plans for Nigel” sur cet album, une écriture aussi acérée et nerveuse que celle d’Andy Partridge et Colin Moulding à cette époque-là, un sens du gimmick accrocheur (les cordes pizzicato de “On the Beach”) et de la ritournelle évidente. Sur scène, l’intensité dégagée par les chansons est encore décuplée, la précision du songwriting fait mouche à tous les coups et l’album prend une nouvelle dimension. On ne saura que trop vous conseiller, si vous en avez l’occasion, de les voir en concert.

En attendant, on peut aussi bien prendre son pied en écoutant l’album : c’est de la pop comme on a perdu l’habitude d’en faire, immédiate mais non racoleuse, tendue et mélodique à la fois : imaginez Interpol sans la pesanteur, ou les Strokes en plus chaleureux et en plus inventif. La production est un peu trop propre en revanche. On les sent sûrs de leurs effets, il manque ce grain de folie qui permettait au premier album d’Arcade Fire de se transcender. Mais c’est déjà une autre histoire, et on a du mal à imaginer Arcade Fire retrouver une telle verve créatrice et surtout une telle intensité, Funeral était un album de deuil, de douleurs indicibles. Et on le sait, pour exprimer cela, il fallait une musique qui aille au-delà des mots et à rebours même de la hype qu’elle a occasionnée. Tout ça pour dire qu’Alamo Race Track tutoie les sommets dessinés par Arcade Fire mais à sa façon, il ne s’agit pas de singer qui que ce soit ici. Non, il s’agit d’ouvrir de larges perspectives, de colorier les esquisses d’un premier album un peu hésitant, de livrer un recueil de chansons pop parfaites, très joliment servies par la voix tranchante de Ralph Mulder. Et c’est merveilleusement fait.

L’album ploie déjà sous les éloges un peu partout sur internet. Il y a du talent, mais aussi une certaine nonchalance, l’arrogance de la jeunesse, un peu de mépris. On leur pardonne bien entendu, mais on a l’impression qu’ils n’ont pas encore donné toute la mesure de leur talent et tant mieux, pourrait-on dire peut-être. Mais que dire face à “Lee J. Cobb Is Screaming A Lot” ou “Kiss me bar”, soutenu par une basse ronde et entraînante ? Ou encore face à “The Killing”, un hommage au film de Stanley Kubrick, où les entrelacements des guitares et des voix féminines, la richesse mélodique du jeu de basse et les quelques notes d’harmonium créent un tissu musical particulièrement envoûtant.

Seulement, y reviendra-ton ? C’est la question que l’on est en droit de se poser, surtout au sein de la Pinkushion Team, où l’on est toujours submergé par d’incessants arrivages de nouveautés. Ce n’est pas sûr et la lassitude peut menacer au bout d’un moment (mais ce qui veut dire aussi qu’on a beaucoup écouté l’album et cela suffit à prouver qu’il est bon). Mais des chansons comme “Black Cat John Brown” ou “My Heart” n’ont pas fini de survivre joyeusement dans nos souvenirs. C’est assez. C’est même plutôt rare, d’autant plus qu’elles ne font pas partie de ces chansons dont on a un peu honte, quand on se surprend à les fredonner.

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